Il est celui qui erre, il ne sait plus le chemin. Il est celui qui erre, il ne se rappelle rien d’autre. Il est celui qui erre, il se rappelle avoir toujours erré. En errant, en étant celui qui erre, il reste celui qui erre, il se prend pour un mendiant. Errant il se prend pour un mendiant infect et sale. Errant il se prend pour un mendiant infect et sale et ivrogne. En errant il devient ce mendiant infect et sale et avide. Il devient ce mendiant avide d’amour. Il est l’errant, en l’étant, il est lui errant. Il a été errant. Il veut errer. il a été, toujours il a été en étant celui qui erre. Lui a été celui-ci. Il a été le même depuis le début. Il a continué en étant le même. Il erre en croyant penser que personne ne l’entend. Il éructe en croyant penser que personne ne l’entend. Il erre en se cherchant un camarade. Il finit par croire en l’existence d’un autre. Il finit par oser parler à celui qui existe. Il continue d’errer, lui qui erre. Il est celui qui erre, qui erre après l’autre, l’autre qui n’erre pas, l’autre qui sait, l’autre qui sait que la vie existe, que la tempête existe, l’autre qui sait la direction à prendre. Il erre avec celui qui est là et qui vit et qui sait la direction. Il erre en lui parlant, il erre en s’énervant. Il erre en demandant à l’autre qui sait si la vie a un sens, lui qui erre dans les rues, il éructe, il crie il erre en courant, il erre en piaffant. Il erre en parlant tout seul tout le monde est parti. Il erre dans la nuit sous la lumière des lampadaires. Il erre dans ce pays toujours sous la pluie. Il erre en pensant il n’a jamais eu de copine. Il titube de ne l’avoir jamais abordée. Il titube et tourne en rond parce qu’elle est partie. Il rage je l’ai laissée se barrer. il erre et se balade. Il erre et se balade sous les lumières tristes. Il hurle elle a dit je peux aimer que sur les ponts que sur les berges. Il râle mais qui a couché avec qui sur ce pont? Rien de plus facile que d’aborder une fille. Puis tout bas, très bas, pas seulement pour parler, j’ai pas besoin de parler, j’ai pas besoin de parler, j’ai pas besoin de parler. j’vais rester là. j’vais plus bouger. Cette saloperie d’odeur. Cette saloperie de bruit. il pleure. J’vais rester là. Je ne bougerai plus… Il ne bougera plus.
Le modèle repris à Gertrude Stein s’en éloigne pourtant, avec la sonorité de « erre » qui répond à « est » dans les phrases du début, « Il est celui qui erre ». La forme évolue et s’éloigne aussi du modèle en formant récit peu à peu, avec cette fin qui le fige terriblement. C’est un texte fort.
Merci, Laure. Je n’étais pas trop sûre…Ça fait très plaisir.
très fort ce Texte en (R) Simone fort dans sa forme puis dans sa façon de s’en dégager pour nous rapprocher de la chair de lui de sa voix
Ça me touche beaucoup. Tu me donnes confiance.
Il est beau ce texte Simone.
J’apprécie, Danièle. Merci beaucoup.
Il y a celui qui erre et celui qui existe et sans doute est-ce le même. Celui qui sait et l’autre qui voudrait savoir. Celui qui va et celui s’arrête. Quelles richesses d’évocation. Emouvant
Commentaire très précis. Et que j’apprécie beaucoup.