Dans le jardin transi le jour peine à s’éveiller. Il traîne des obscurités tardives qui jettent un froid sur les herbes dressées de givre. Les fantômes nus des branchages strient l’air vif traversé d’oiseaux en quête. Par instants ils se posent aux aguets jamais seuls mais par groupes escouade soucieuse d’éviter l’embuscade. La terre a une couleur de tombe humide. On ne sait reconnaître l’heure dans l’ombre prolongée des nuages épais qui pèsent de toute leur force sur le regard encore plongé dans le règne de la nuit . L’espace ouateux de l’hiver n’offre que peu de vide pour y frayer un chemin. Pas de percée pour ouvrir une perspective à la journée qui commence. Elle s’énonce avec les mots de l’attente indéfinie mais l’attente quand même. Un monde de silence s’offre à travers la vitre épaisse de la véranda. Il sommeille soumis au temps mort imposé par la saison. Rien ne s’impose au regard. On pourrait tenter d’énoncer chaque chose avec le secret espoir que la force du verbe y insuffle une autre présence. Rien n’y fait, les choses sont là avec leur nom de chose posé à côté d’elles. Même on voit se dessiner dans un silex la silhouette d’un prédateur. Il reste figé dans sa désignation, l’œil grand ouvert sur d’autres horizons que personne ne rêve. Sur la toile cirée des lunules couleur café témoignent d’une absence. Quelqu’un a vécu là. Il a laissé le silence. On veut encore entendre des glissements de pas derrière l’image qui s’obstine. Des yeux s’attardent un instant sur les objets : bibelots hétéroclites, ustensiles de cuisine, photos encadrées où l’on ne reconnaît personne. Les heures se sont déposées en poussière de signes qui ne disent plus rien d’autre qu’une langue morte à tout jamais. Et pourtant tout est là obstiné, plus réel d’être muet ou de n’avoir rien d’autre à dire que la présence insignifiante une fois pour toute.
Absences dévoilant de prégnantes présences. Très beau.
« les choses sont là avec leur nom de chose posé à côté d’elles. »
cette absence (en lunules) de qui a laissé le silence. On est pris dans la poussière des choses. Merci.
Très beau, ce monde du silence. Merci pour cette absence.
Quelqu’un a vécu là. Il a laissé le silence.
voilà ce que j’entends dans ce texte qui glisse en arrière de nos yeux…
« ce texte qui glisse en arrière de nos yeux… »
Merci de l’expression elle m’éclaire sur la manière dont c’est venu peut être même sur ce que j’attends du cinéma
et l’attente du réveil de tout, si cette minute n’est pas de fin, juste une annonce ou un suspens