une entaille de mer qui coupe la roche dure | les flots agités comme furieux ou menaçants| rien pour ainsi dire |l’homme surgit à droite au premier plan et s’approche du bord| un instant il se penche à peine et se retourne|de face on le voit qui scrute hors champ quelque chose ou quelqu’un|ou plutôt on le voit désirer une figure absente|puis disparait de l’image | d’abord les jambes puis le corps tout entier|de nouveau les flots qui font comme une blessure à la roche entamée|petit à petit le cadre s’élève et glisse sur le magma volcanique refroidi| la lumière y dessine des ombres | et dans l’échancrure d’un vallon surgit la ligne d’horizon| une silhouette se déplace | à peine si l’on distingue la femme dont le vêtement se confond avec la roche | elle est toute petite perdue comme effacée|un jet d’écume jaillit derrière elle | on ne peut évaluer les distances | l’image semble n’avoir aucune profondeur | un aplat d’infini engloutit son mouvement || tout d’un coup la femme surgit au premier plan de dos | elle attache sa ceinture| seule se détache sur la grisaille des pierres sa chevelure blonde|elle s’éloigne petit à petit du regard|en franchissant l’obstacle d’un dénivelé son corps s’enfonce dans le fond de l’image et s’immerge dans l’amas minéral|un homme avec un petit chapeau d’été sur la tête sort d’une masse caillouteuse qu’on avait à peine remarquée|il suit la femme | à son tour une autre femme débouche de l’échancrure d’où il était sorti|elle porte une robe d’été évasée |se retourne un instant et commente le paysage | « com’è bella quest’isola » |belle comme une nature revêche|belle comme monde qui se refuse|puis se retourne et les trois personnages partent en file indienne vers le fond de l’image pour s’y perdre à nouveau engloutis par le hors champ || et c’est de nouveau le premier homme qui revient|son regard tourné vers l’extérieur de l’image il cherche on ne sait quoi on ne sait qui| la mer inerte derrière lui où se détache l’ombre d’un cône sur un ciel grisâtre|petit à petit il fait un quart de tour se retrouve de face la tête légèrement penchée vers un monolithe|le regard fixé vers le sol il entreprend de contourner la pierre dressée comme un phalus inutile|et quand il se retourne l’image derrière lui laisse entrevoir une fois de plus un triangle de mer|de nouveau le voilà au bord du gouffre de dos | penché en avant il observe sans doute l’agitation des vagues
ne sais, ne crois pas avoir assisté à la projection, mais j’ai vu
L’ avventura. La disparition d’Anna/Lea Massari
« un aplat d’infini engloutit son mouvement », comme j’aime ce bleu où l’on se perd… Tout au long de ma lecture, j’ai eu cette impression de personnages jaillissant, surgissant, s’enfonçant, au rythme des vagues, probablement !
Très beau moment , la femme blonde la mer le petit chapeau m’emmenait vers Le mépris mais non pas du tout, et ça n’a aucune importance, reste cette présence minérale, la mer, la disparition et c’est bien, donc un texte.