vers un écrire-film #08 | si j’étais…

  1. Si j’étais cinéaste, je filmerai l’amour – Dieu, que cela serait difficile ! Qu’est ce que donc que l’amour ? Comment faire voir cet amour ? Comment se filme cet amour ? Je filmerai l’amour, absolument, car c’est de cela qu’il s’agit. Saisir cela. Je m’interrogerai longuement avant de pouvoir répondre à cette question. Je m’interrogerai longuement avant de savoir quoi filmer. Cela se passerait ainsi. Je poserai ma caméra sur toutes les images qui surgiront de mon esprit et de mon coeur et j’attendrai de ressentir, de voir, de toucher à cet impalpable sentiment, invisible et pourtant vivant. Car l’amour existe et je veux le montrer. Mais comment ? Quelle image peut révéler cette vérité absolue ?

2. Je ne suis pas cinéaste et je ne sais même pas comment filmer ce que je veux toucher. Mais si je le faisais, je m’arrangerai pour trouver la meilleure image, celle qui perce le coeur, qui parait être évidence, qui ne s’oublierait jamais. Je filmerai pour que chacun-e puisse prendre conscience que cet amour existe, qu’il n’est pas que chimère, qu’il n’est pas que fleur bleue, qu’il n’est pas que railleries et cynisme d’époque. Il est difficile de montrer l’amour sans tomber dans des clichés collectifs, sans s’ennuyer ou rire de dédain. Il est difficile de toucher les autres avec un idéal qui est presque démodé. Alors, je prendrai le temps de leur offrir un peu d’authenticité. Si je dois montrer un baiser, je ne donnerai pas deux lèvres qui se touchent mais le regard du désir qui donne envie de crier.. Si un bébé est au sein, je filmerai le son avide de la succion mêlé des cris de plaisir que seuls ont les petits. Je voudrais donner aux autres le tremblement, l’attente impatiente, le trouble saisissant.

3. Mon film ne serait pas trop long, l’histoire serait banale et simple – Une jolie simplicité. Ce que l’on ne montre jamais parce que cela ne fait pas rêver, l’amour simple. Mais simple ne veut pas dire ennuyeux, à bailler aux corneilles, non simple veut dire sans effets, sans clichés, sans ce que l’on ne vit jamais…Il serait court mais joli. On pourrait le regarder seul (e) ou accompagné (e). On pourrait le regarder en famille ? Je ne sais pas. On pourrait le regarder sur grand écran au cinéma ou sur un téléphone portable. Il pourrait être montré à des adolescents(es) dans les lycées. Il pourrait faire débat. J’aimerai bien cela qu’il fasse débat, que la parole poursuive les images. Que l’on se questionne. Que l’on questionne cette oeuvre. A t’elle montré l’amour ? Est ce cela l’amour ? Ai je déjà était amoureux ? Et toi ? Que cela fasse débat et que l’on ne se moque pas. Peut-être y aura t’il des cris, des disputes et des larmes, peut-être y aura t’il des rires et des drames dans mon film, mais il ne parlera que de cela, de l’amour.

4. Et les gens pleureront en découvrant en eux cette brèche qui s’ouvre et les inonde de paix.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

7 commentaires à propos de “vers un écrire-film #08 | si j’étais…”

  1. C’est beau, c’est simple. Et pour le coup, loin d’être ennuyeux. Très beau texte.

  2. quel beau point de départ et cette idée d’ouvrir et de creuser par « le banal, « le simple » . Merci Clarence