1
Si j’étais graveur, je me consacrerais à un seul trait, un simple trait, une trace inédite comme une déchirure, le fruit aléatoire d’un geste et d’une résistance. Je sais bien que si j’étais graveur cela me serait impossible parce que même si j’étais graveur il me serait impossible de penser l’image inversée.
2
Je ne suis pas graveur et je ne m’en console guère sauf à l’instant où je remplace une table à estampe par un support immuable. Inversement de la trace et presque absence de geste. Une longue et large dalle de pierre suffit. Ses aspérités inscrites par le temps suffisent. Une peau de fin papier humide suffit et il suffit d’attendre. C’est la pierre qui sans y penser vraiment donne naissance à l’inversement de son image. Et cette connaissance, reconnaissance, naissance de sens, c’est entre elle et moi. Cela ne regarde personne.
3
Toutes au même format. Toutes minimalement encadrées. Toutes accrochées. Les peaux de la pierre sont toutes numérotées et datées. Chacune est une pièce unique. Elles sont toutes vendues au même prix. Les peaux de la pierre sont réservées aux riches. La galeriste est contente. Les peaux de la pierre ont du succès. Annoncer qu’une partie du fruit des ventes serait reversée à une œuvre humanitaire a fait venir plus de monde que d’habitude.
4
Les pierres pleurent aussi, comme nous. Mais quand on leur arrache la peau, elles ne le montrent jamais.
C’est beau et douloureux à la fois, cette histoire de la peau des pierres et ça imprègne tout le texte, cette impression là.
Ai pensé aussi à ces empreintes et frottages de Ernst ou Dubuffet. Ces paragraphes sont d’une grande poésie douloureuse Ugo ( peau numérotées et datées) Cette idée de la peau de la pierre ( paupière ) et de la larme. De la retenue de la pierre qui ne se plaint ni ne crie…Beau
Oh, Ugo, c’est tellement beau ! La peau des pierres… tout le texte, le tactile et tout. Mais Line et Nathalie ont tout dit.
Merci Line, Nathalie, Anne de vos retours ici et de vos écritures ailleurs. Merci.
C’est magnifique, quelle puissance dans les images, merci Hugo.
oh si elles le montrent parfois quand ion les caresse… et puis quand on a le dos tourné et que le vent se déchaine elles laissent un peu de leur chair sur le sol