C’est une amie, en pleine reconversion professionnelle, elle était comptable et se forme pour devenir animatrice sportive. Elle m’envoie parfois des vidéos des séances qu’elle invente. Hier elle a fait danser les participants de 75 à 87 ans. La chorégraphie est très simple avancer, reculer, tourner, tendre la jambre et écarter les bras, devant, sur le côté, ouvrir les bras, plier les genoux et se déhancher. Ils sont quinze, des hommes et des femmes, ils sont raides, timides, un peu chancelants pour certains, quasiment immobiles pour d’autres qui ne suivent pas ou en décalé, le temps de comprendre le mouvement. Ils dansent tous. Maladroits, gauches, lourds, déséquilibrés, mal coordonnés, cherchant des yeux leurs pieds. Mais ils dansent, s’efforcent de suivre, genoux raides, mains ankylosées, visages contractés, pieds hésitants. Ils dansent, bassin figé, cous contraints, bras impossible à lever, tout tordus, ils dansent. Je pense à Kontakthof la chorégraphie de Pina Bausch vue à Clermont-Ferrand il y a plus de 20 ans pour amateurs de plus de 65 ans, reprise plus tard avec des adolescents de 14 ans, amateurs eux aussi. Je ne sais pas si mon amie connaît le spectacle de Pina Bausch, si elle imagine à quelles merveilles elle est parvenue à force de répétitions. Jamais elle n’arrivera à ce résultat, son projet est pourtant le même : faire percevoir le plaisir qui naît de mouvoir son corps en rythme avec d’autres sans technique avec des gestes très simples qui deviendront petit à petit plus fluides et plus assurés. Demain peut-être, elle leur demandera d’apprendre à toucher le corps de l’autre, à toucher son propre corps, à trouver la juste douceur ou la juste force. Sans prouesse, sans technique, seulement pour éprouver encore et encore la merveilleuse affaire que c’est d’avoir un corps. Qui bouge et qui ressent. C’est beau de faire danser des amateurs, âgés ou adolescents, à ces moments de la vie où le corps encombre plus qu’il n’apporte de satisfaction. C’est très important le corps et on n’en a qu’un.
Pour voir la séquence en entier https://www.youtube.com/watch?v=pn5cknjzjBg
Bonsoir Danièle, votre texte est très régénérant!
Merci Sandrine.
oui – assez merveilleux non ?
Oui, j’aime bien ces pratiques collectives s’adressant à toutes et à tous.
C’est chouette d’avoir mis le lien de Pina Bausch. Tu es toujours dans la vie, la vie qu’on vit, qu’on vit vraiment.
Merci Simone. Mon amie Lolo a été très touchée par mon texte et j’en étais contente car elle fait vraiment du bon travail.