Il est encore au lit. Emmitouflé. Il n’a pas envie de se lever. De sortir. Il a froid malgré la couette en duvet. Malgré les couvertures polaires. Et puis il ne sait pas quoi faire de ses journées. Il traîne écoute la radio ferme les yeux se rendort.
Il est 10h du matin. L’aide-ménagère est arrivée comme tous les jours. Ce sont ses enfants qui l’ont engagée. Lui n’en voulait pas… pas besoin je me débrouille je préfère rester seul. Seul. Ne pas se faire houspiller. Organiser sa journée se lever tard s’habiller comme il veut tant pis pour les chaussettes qui tombent sous le fauteuil les chaussures sous le lit il ne peut plus se pencher il n’a plus envie de faire des efforts. Il a toujours froid. Le radiateur est à 22°.
Il est midi il faut cuisiner préparer son repas il va au plus simple il trouve du jambon au réfrigérateur du pâté des pâtes. Elle a apporté du pain frais qu’il apprécie. Un peu de salade un peu de fromage, ça lui va ça lui suffit. Il emporte sa bouteille de vin à table, un verre pas plus dit le médecin. Mais il se sert un deuxième pour se réchauffer. La télévision lui tient compagnie. Les informations du grand monde remplacent les sorties d’autrefois. Un petit dessert au chocolat pour le moral. Parfois une tasse de café quand il y pense.
A 14h le soleil illumine enfin le paysage. Il met son manteau enfonce son chapeau de cowboy sur la tête. Les cheveux blancs un peu décoiffés dépassent sur la nuque. Ne pas oublier la canne les jambes ne sont plus très solides. Il descend vers le chemin de terre bordé de marronniers s’assied sur le banc comme souvent regarde la rivière qui coule en contrebas à quelques mètres et soupire. Il cherche des yeux la source qui jaillit au bord de l’eau comme un petit jet d’eau en cercle. Il ne peut plus l’approcher la pente est raide il a peur de perdre l’équilibre. Il la regarde de loin. Il pense au passé quand la rivière était pleine de truites quand son grand-père lui avait appris à les pêcher à la main. Il ne l’a pas appris à son petit-fils. Ce n’est plus la même époque mais il regrette. Comme il regrette de ne pas lui avoir transmis sa langue la langue d’ici le patois comme on dit. L’occitan. Une langue que les anciens parlent mais que les jeunes ne possèdent plus. Il soupire encore c’est trop tard trop tard pour tout.
Il a froid ça sent la neige il se lève remonte lentement vers la maison. Les nuages s’emballent dans le ciel au-dessus des falaises. Les pieds frottent le chemin il s’appuie sur la canne il a du mal à marcher à respirer. Bientôt il n’ira plus à la rivière. Bientôt il n’ira plus nulle part.
Arrivé à la maison il charge la cheminée les bûches sont lourdes il manque de petit bois il rajoute du papier journal du carton. Il tend une allumette. Le feu hésite. Flammes timides. Actionner le soufflet. Souffler dans le bouffadou. Les flammes se réveillent embrasent sifflent claquent bruissent agréablement. Posé dans le fauteuil près du feu il savoure puis sommeille. Le téléphone sonne il n’entend pas ne répond pas au petit téléphone rouge pour seniors. Il dort.
La porte d’entrée cogne s’ouvre la voisine passe en coup de vent pour voir si tout va bien il cligne des yeux ne sait plus où il est. Elle est gentille mais elle le dérange. Merci tout va bien je vais me coucher. Il oublie la télé il oublie le dîner il n’a pas faim de toute façon. Fatigue, sommeil, oubli.
Une journée comme toutes les autres. Une journée de plus…
Codicille : difficile de renoncer aux virgules, de retrouver la structure des phrases….
texte puissant tissé de fils ténus
merci
Merci pour ce mot qui m’encourage à persévérer …