La grande place du village. Le bar-restaurant O’Délices. Au soleil, une table carrée, une tasse de café, un verre d’eau, un croissant. Tintement de la cuillère qui brasse le sucre. Le Dauphiné est grand ouvert. Un gros titre éclate : les prêtres des Hautes-Alpes ont été en tête du top 50. Les doigts de la lectrice martèlent le guéridon. Bruissement des feuilles pour un parcours des dernières nouvelles. Ça grommelle : toujours les mêmes histoires. Des lycéens turbulents s’installent. Sacs jetés en vrac par terre. Rires. Ils commandent des bières, discutent avec la serveuse. Ils s’étalent, allument des clopes. Les consommations arrivent, verres givrés, mousse souveraine. Et un cendrier en céramique jaune avec RICARD inséré dans un rectangle bleu cerné de rouge. Un garçon mate le cul de la fille quand elle s’éloigne. Elle en rajoute dans le mouvement de ses hanches, elle ondule. Des piétons passent à pas lents, chargés, trop, on les sent fatigués. Ils reviennent du marché dont on devine les étals dans la rue principale. Dans leurs paniers, des légumes, des fruits. Sous le bras d’un vieux coiffé d’un béret, une baguette de pain. Certains tirent des poussettes, ils pestent pour leur faire franchir les trottoirs. Ils se saluent, discutent, se dirigent vers le café La Plantation. Sur la terrasse, des paysans âgés boivent leur premier pastis du jour, immobiles, ils boivent le soleil. Un tracteur fait le tour de la place, répandant du fumier sur la chaussée. Un chien roux divague. Un autre tire sur sa laisse, s’arrête, lâche sa crotte. Sa maîtresse la ramasse soigneusement dans un sac en plastique, cherche du regard une poubelle. Le journal est ouvert à à la page dite littéraire. Interview de Houellebecq, en gras Anéantir. Les moineaux picorent les miettes du croissant, ils s’activent sous la table. Quatre mecs balèzes, vêtus sportifs de haut niveau, mordent à pleines dents des sandwichs, jambon et beurre, ils bâfrent. Éclats de voix. Des hollandais sans doute. S’il vous plaît, un autre café. Merci. Un tour d’horizon rapide. Ciel bleu éclatant et les feuilles argentées du tilleul. Un massif de forsythias, jaune éclatant. La fontaine et son chant joyeux. Un minot tente de boire à son col de cygne. Il glisse. Sa mère s’affole. Une gifle. Des pleurs. Un baiser qui console. Le journal replié. Ouvert à nouveau, en dernière page. Un crayon, une gomme, un sudoku, force 5. Le journal à nouveau replié. Les pieds de la chaise raclent le sol inégal. Cliquetis des pièces de monnaie dans la soucoupe. Un salut de la main vers le comptoir. Au revoir, bonne journée.
J’aime beaucoup ce paysage, autant que j’aime m’installer à la terrasse d’un café et regarder la vie passer 🙂
Une ambiance qui gicle, et mord à pleines dents
Le bon tempo de l’humeur joviale, c’est toujours surprenant