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On la voit regarder, ranger, passer d’une pièce à l’autre, revenir dans la cuisine. On entend la sonnette, elle se fige attend puis passe sur le balcon ouvre la porte : Un jeune homme est là, en costume et attaché-case. Elle le fait entrer, il se montre pressé, regarde par dessus la balustrade, inspecte le mur puis demande par où on commence, -suivez-moi- ils prennent l’escalier, ils descendent mais on ne les voit plus, juste le mur blanc les marches grises et le bruit de leurs pas assurés et rapides pour lui, précautionneux pour elle. On les retrouve au rez -de chaussée. Il a déjà sorti son bloc-note et son télémètre laser, -On ne vivait plus ici depuis que- il l’interrompt -C’est très humide- Oh non, on a mis un déshumidificateur depuis longtemps- et -C’est à vous l’atelier?- Elle le regarde songeuse. On n’entend plus rien, le décor change et on la retrouve dans le petit appartement où elle est allée avec ses enfants le weed-end dernier voir en montagne son petit-fils moniteur de ski, elle tourne autour de la minuscule colocation, deux lits superposés, à la suite encore deux lits superposés, des chaussures de ski des porte-manteaux pleins, un canapé lit , par la fenêtre du huitième étage, une vue sur les montagnes immenses, ils sont quatre et s’assoient un moment autour de la table en angle pour un thé fumant, tout à côté le coin cuisine et les voilà déjà dans l’ascenseur puis vers la voiture. Ils s’embrassent chaleureusement et c’est la route … Comme elle ne répond pas, il sort dans le jardin. elle suit péniblement, la marche du pas-.de-porte est haute. Lui sort son appareil photo, on le voit de dos et elle de face dans le soleil à côté du rosier jaune. -Poussez-vous un peu- elle se pousse un peu- encore un peu plus- elle fait deux pas, encore encore encore, paf il prend la photo elle n’est plus dans le champ, peu lui importe, il ne la regarde même pas. ils remontent les dix-huit marches, Il est déjà en haut qu’elle est à mi-course, la porte d’entrée en bas vient de claquer, une fillette de neuf ans à peu près l’a rejointe, et lui donne le bras pour l’aider. Ils entrent tous les trois dans la cuisine, pièce d’accueil, pièce à vivre. Il va encore faire le tour de la cuisine, celui de la bibliothèque, les deux chambres et salle de bain toilettes, mais ce n’est pas du tout le même tour que la semaine dernière, il est trop dans sa vente, trop dans son business. Sa petite-fille de neuf ans s’approche d’elle et murmure à son oreille -Non, pas celle-là, je n’entends rien de ce côté, c’est l’autre – un sourire aux lèvres la petite lui parle tout bas dans l’oreille gauche. Et toutes les deux éclatent de rire. -Bon, on a fait le tour? Il faudra enlever ça et ça et alléger tout…-Oui ( elle lui coupe la parole ) et ça peut aller vite une vente comme ça ? – plutôt oui en ce moment, cherchez vite un deux-pièces et l’agence vous rappellera – C’est un peu plus tard dans l’après-midi qu’on reverra la grand-mère avec sa petite fille, assises sur le petit mur du jardin, fatiguée la plus âgée -ranger- enlever -alléger et puis quoi encore- la plus jeune écoute parle, raconte, continue plus fort ce qu’elle murmurait tout à l’heure – T’as qu’à pas la vendre si t’as pas envie. Tu fais venir un autre, et tu lui montres tous les défauts et tu en ajoutes d’autres, les velux pourris en haut sous le toit, les mouches en été, le froid du côté nord, et ta salle de bain, tu la trouves toujours trop petite, et il y a trop de travaux à faire. Tu inventes quoi. – le fou-rire les reprend. On reste longtemps sur cette image de la petite-fille et sa grand-mère, on s’approche, très près, et quand un instant elles se taisent, plus de bruit, plus de lumière, un calme absolu.
J’aime cette scène. La froideur de la visite, les sentiments mélangés que l’on sent à l’intérieur des personnages, la maison que l’on veut vendre et pas vendre. La petite fille, la grand mère et cette jolie photo d’en haut. Merci pour cette lecture.
Merci, Clarence, je viens juste de le poster. En quelques lignes, vous résumez ce texte, ça me plait bien. Merci beaucoup.
Elle est là et elle est ailleurs la vieille dame – la vue sur les montagnes immenses. On imagine ce qui se dit plus qu’on ne l’entend – on est de toute façon trop loin pour entendre. Belle complicité silencieuse entre la grand-mère et la petite-fille.
Merci Cécile. Ce retour est super. Comme ça je revois mon texte, je complète. Merci beaucoup.
Une douce mélancolie émane de ce texte, beaucoup de tendresse et de pudeur aussi. C’est super!
Merci beaucoup Catherine. Bien contente que vous soyez à nouveau dans les ateliers. Votre mot « C’est super » me fait bien plaisir.
M’a immédiatement fait penser au film L’après-midi de Mr Andesmas ( 2004) d’après Marguerite Duras.
https://www.youtube.com/watch?v=0ZB_BESBN9s
Je ne connaissais pas, je suis allée le voir. Merci pour le rapprochement en tout cas, j’ai bien aimé faire ce texte.
bravo à la gentille malice de la petite fille (et à leur complicité savoureuse)
Ça me fait très plaisir, Brigitte. Les petits-enfants, c’est merveilleux.
ce genre de business-man (car c’en est bien un, hein) donne (parfois) des envies (vite réprimées, t’inquiète) de meurtre – porte des chaussures pointues sans doute, et son costard étriqué dans les bleus comme qui tu sais – insupportable – barbalakon – tatouages ? – : c’est le contraste magnifique entre ses mots (abjects) et ceux, discrets, de la petite qui fait vraiment bien marcher ton affaire, Simone… Bravo trop bien
Je voulais tellement que ce ne soit pas monotone , que ce soit vivant, merci de tes mots, Piero. Tu me fais très plaisir.