#écopoétiques #06 | Orage

Comment oses-tu orage les faire trembler? Murs, sols, arbres, fleurs, je te l’accorde, mais elles, comment oses-tu?

Va-t-en orage, cesse ton boucan, remballe tes éclairs et autres coups de tonnerre qui effraient les vieilles femmes, les mères, les font se réfugier en tremblant sous les cages d’escalier, sous les couvertures, sous les lits, se boucher les yeux, les oreilles, psalmodier, pleurer, gémir. Trembler. 

Tais-toi orage, orage d’hier! Ne vois-tu pas  l’abuele, petit être déjà bien malmené qui s’enferme maintenant dans un placard? Que t’a-t-elle fait pour que tu te joignes à la faim, à la guerre, à la mesquinerie des gens pour la faire souffrir? N’y en a-t-il pas assez? Envoie tes gouttes, offre ta fraîcheur, mais point n’est besoin d’en rajouter, de jouer les matamores, de déployer son et lumière, d’en faire des tonnes.

N’éclate pas orage! Dégage du ciel! Cesse tes menaces! Ne vois-tu pas qu’elle pourrait tomber, se tuer dans sa course folle pour rejoindre le refuge? C’est si facile pour toi de la persécuter quand tu as les montagnes pour te répondre en écho. N’as-tu pas honte de jouer avec sa peur? Arrose les sols, amplis les rivières et tiens-t’en là! Pas besoin d’en rajouter.

Arrête-toi orage! Cela te fait-il rire que de nous voir avec cette patate embrochée dans le parapluie en guise de paratonnerre? Qu’as-tu besoin de nous ridiculiser? Va-t-en voir ailleurs, envoie-nous ton eau et arrête ton cinéma.

Éloigne-toi orage! Éloigne-toi plus vite que ça! On n’a pas besoin de toi pour apprendre à compter. Oui on sait, entre ton avertissement lumineux et ton fracas il faut compter, compter pour te surveiller, te voir venir. C’est te voir partir, qu’on veut. Allez oust  Orage. Je compte jusqu’à trois. 

Cesse orage! Laisse-nous dormir! Laisse les enfants rester dans leur lit, les mères s’endormir. Cela te plaît, te donne un sentiment de puissance que de voir les enfants courir dans les lits des parents, les mères veiller, les grands-mères prier, les unes se réfugier à la cave, les autres dans un hôtel? 

Dégage orage! C’est si facile avec tes tambours et trompettes de semer la panique. Trois petits coups de tonnerre, trois zébrures dans le ciel  et le mal est fait. N’as-tu pas honte, orage? Shame on you orage, orage qui détruis les vies, orage qui fais honte à celle qui regagne son lit, sa  chambre, sa maison quand tu as daigné te taire, partir, remballer tous tes instruments de spectacle. 

Reviens orage, orage du mois d’août, avec tes lourdes gouttes tièdes, nos cheveux qui s’ébrouent, ton eau qui ruisselle sur notre cou, nos bras, nos jambes dénudées. Reviens orage généreux, orage qui arroses plaines et montagnes, remplis ruisseaux et rivières, émerveilles les enfants, illumines la nuit. Et parfois terrifies.  

A propos de Betty Gomez

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4 commentaires à propos de “#écopoétiques #06 | Orage”

  1. J’aime le rythme lancinant qui nous embarque dans les sentiments de colère puis de désir, dans les incantations impérieuses d’un langage parfois soutenu parfois familier. Plein d’élan. Merci Betty.

  2. 8 strophes pour dire ta colère… et tu as trouvé dans ce ton familier quelque chose qui relie et qui dit vrai
    « shame on you » lui dis-tu à cette pluie sauvage qui exagère…
    ton dernier paragraphe est soudain plus doux comme si ta colère s’était en allée
    contente de t’avoir lue, Betty

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