La masse végétale prend possession des espaces pour peu qu’on la laisse tranquille et les arbres prennent leur temps pour s’ériger droit vers le ciel. Les créatures s’affirment en ces lieux telles d’étranges incarnations se déplaçant chacune à son rythme et à son allure. Elles sont sauvages, impossibles à discipliner — l’homme fabrique des affûts pour les observer.
On ne prend pas la nature, c’est elle qui nous prend, peu à peu, sans qu’on s’en aperçoive.
Pour ma part, habitant désormais au cœur du vert sur le flanc ouest du vieux massif central, je n’ai pas construit d’affût mais je dispose d’un observatoire. Et c’est depuis cette position dominante que j’ai découvert la prairie, je veux dire l’étendue de la prairie et ce qui s’y trame. Point question de silence, là, et même je pense que c’est complètement le contraire alors que le calme semble régner. Il m’a déjà fallu un premier cycle entier de saisons pour apprendre ces étendues ébouriffées et changeantes. Ensuite seulement j’ai pu les entendre. Un ensemble de souffles ou un ensemble de petits cris selon l’humeur du ciel, brise, vent en bourrasques, respiration du matin ou du soir, nuages averses orages. À la sortie de l’hiver, c’est presque rien, terre encore figée, chaumes givrés. De ce presque rien ça monte lentement au fil de la croissance des plantes, et ça se construit comme une symphonie dans des fréquences peu perceptibles par l’oreille, ça devient tumulte ça gratte ça frotte ça grignote ça craquète ça brasse ça rampe ça cogne ça flambe, ça ne s’arrête jamais, et même au cœur de la nuit avec les petites bêtes qui s’activent avec la lune presque entière à mâchonner le pied des herbes ou les graines éparpillées. Le silence s’offre entre ces bribes de sons vivants, matière d’interstices issue de la contemplation des étoiles.
Photographie ©Françoise Renaud, 2023
« On ne prend pas la nature, c’est elle qui nous prend, peu à peu, sans qu’on s’en aperçoive. »
» Il m’a déjà fallu un premier cycle entier de saisons pour apprendre ces étendues ébouriffées et changeantes. Ensuite seulement j’ai pu les entendre. »
Bel affût sur promontoire avec tes mots !
merci Marie Thérèse pour ton bel accueil sur cette série qui commence… on te sait toujours à l’affût !
je voudrais y adjoindre quelques images, mais pas eu encore le temps
On voit et on entend dans la succession de verbes – ça devient tumulte ça gratte ça frotte ça grignote ça craquète ….- en staccato. Bonne journée
pas assez travaillée, ma suite de verbes… mais on dirait que ça fonctionne quand même
ah on peut toujours mieux, mais je me suis faite prendre au dépourvu avec ces deux premières propositions en sus et en guise de prologue
salut à toi Stéphanie !
Salut Françoise, tes quatre saisons ressemblent bien à celles de ma campagne mais je ne saurais les mettre en si belle musique. Contente de te retrouver.. À bientôt.