#écopoétique #04 | Eau ? Oh !

L’eau s’écoule goutte à goutte du filtre dans la gourde. Doucement, tout doucement, trop doucement pour ta soif qui entend le ruisseau galoper sur les pierres et rire à chaque cascade, à chaque saut dans le grand vide d’une vasque plus profonde que les autres, les tout petits trous d’eau dans le lit du ruisseau. Trop doucement pour ta soif qui se souvient encore de tes deux mains potelées qui se joignaient en coupe pour que tu puisses laper, le nez dans l’eau glacée, des litres et des litres de cette eau si glaciale qu’elle te cassait les dents, te faisait grimacer, te faisait rire aux larmes dans les éclaboussures, manches trempées jusqu’aux coudes et pull ruisselant au moins jusqu’au nombril.

Chaleur, canicule, sécheresse, pénurie, rationnement. Plus d’eau pour le jardin. Alors tu les regrettes tous les profonds soupirs, soulagement des enfin ! et des bon débarras ! quand le pommier est tombé, il y a quelques années, vieil arbre toujours malade qui faisait bien peu de pommes mais surtout bien trop d’ombre sur le pauvre potager. Maintenant les salades, les tomates, les belles blettes vieillissent d’une vie en une unique journée, le matin fraiches et tendres comme des joues de bébé et le soir toutes ridées comme des joues de mémé. Il serait encore là, le vieux pommier trop sombre, il leur ferait de l’ombre à toutes ces jeunes feuilles, de quoi mieux supporter les litanies modernes. Chaleur, canicule, sécheresse, pénurie, rationnement.

L’hiver, l’eau ne coule plus, elle est prise dans les glaces, toute transie de froid, bloquée dans son grand blanc, elle n’est plus eau mais neige, glace, voire piste de ski. Alors on remonte là-haut avec le remonte-pente et puis on redescend, on glisse et on reglisse, glisser toujours plus vite, alors on farte les skis pour que ça glisse plus vite, on glisse et on reglisse, le bonheur est de glisse, on voudrait que ça glisse au moins toute la vie. Ni une ni deux, c’est fait, ça glisssssssera au moins pour toute l’éternité avec les farts fluors, polluants éternels.

Les vaches mangent les herbes et elles en font des bouses. Les herbes poussent mieux grâce à la bouse de vache. On pourrait presque croire au cercle vertueux, mouvement perpétuel, d’autant plus qu’au passage, on récupère du lait pour en faire du fromage. Alors on se dit tiens, plus de vaches, plus de bouses et donc plus de fromage parce que plus de bonne herbe. Éternel éphémère pourtant celui des bouses, car pour faire pousser l’herbe et faire vivre les humains, il faut aussi de l’eau, pas juste du fromage, et trop de bouse dans l’eau, ce ne sera plus de l’eau, les humains, susceptibles, tomberont bien malades, ne mangeront plus de fromage et le cercle des bouses ne tournera plus rond.
Moralité, tant va la bouse à l’eau, qu’à la fin… (vous n’auriez pas une idée, vous, pour finir la phrase ? Parce que, moi, là, je sèche)

A propos de Juliette Derimay

Juliette Derimay, lit avidement et écrit timidement, tout au bout d’un petit chemin dans la montagne en Savoie. Travaille dans un labo photo de tirages d’art. Construit doucement des liens entre les images des autres et ses propres textes. Entre autres. À retrouver sur son site les enlivreurs.

6 commentaires à propos de “#écopoétique #04 | Eau ? Oh !”

  1. « tant va la bouse à l’eau, qu’à la fin… elle s’ erichia colise… Pas ragoûtant tout cela, mais je garde la mémé et le bébé, l’enfance au torrent aussi… Pour le pommier c’est râpé… Dommage ! Je t’offre les Paroles de Georges Moustaki :

    C’est une chanson pour les enfants
    Qui naissent et qui vivent entre l’acier et le bitume
    Entre le béton et la sable
    Et qui ne sauront peut-être jamais
    Que la terre était un jardin

    Il y avait un jardin qu’on appelait la terre
    Il brillait au soleil comme un fruit défendu
    Non, ce n’était pas le paradis ni l’enfer
    Ni rien de déjà vu ou déjà entendu

    Lalala, lalala, lalala

    Il y avait un jardin, une maison des arbres
    Avec un lit de mousse pour y faire l’amour
    Et un petit ruisseau roulant sans une vague
    Venait le rafraîchir et poursuivait son cours

    Lalala, lalala, lalala

    Il y avait un jardin grand comme une vallée
    On pouvait s’y nourrir à toutes les saisons
    Sur la terre brûlante ou sur l’herbe gelée
    Et découvrir des fleurs qui n’avaient pas nom

    Lalala, lalala, lalala

    Il y avait un jardin qu’on appelait la terre
    Il était assez grand pour des milliers d’enfants
    Il était habité jadis par nos grands-pères
    Qui le tenaient eux-mêmes de leurs grands-parents
    Lalala, lalala, lalala

    Où est-il ce jardin où nous aurions pu naître
    Où nous aurions pu vivre insouciants et nus?
    Où est cette maison toutes portes ouvertes
    Que je cherche encore mais que je ne trouve plus?

    Lalala, lalala, lalala
    https://www.youtube.com/watch?v=Ob3qAPmHDVk

  2. « tes deux mains potelées qui se joignaient en coupe pour que tu puisses laper, le nez dans l’eau glacée, des litres et des litres de cette eau si glaciale qu’elle te cassait les dents », on y est avec l’enfant.

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