#écopoétique #05 / la maison sur la falaise

C’était un pavillon ordinaire, comme il se faisait dans les années 1970, avec un grand jardin tout en longueur jusqu’à la falaise. Au bout, trente mètres plus bas, il y avait la mer. Enfant, je n’avais pas le droit de m’approcher du bord. Le grand-père y veillait. Toujours fourré dans ce potager qui prenait bien la moitié de la surface du terrain. Impossible d’échapper à sa surveillance, son regard portait toujours sur l’horizon dès qu’il arrêtait de bécher, dès qu’il soufflait entre deux rangs de pomme de terre. C’est bien des années plus tard que j’ai pu me pencher au-dessus du vide. Pas vraiment rassuré à vrai dire. La vue était vraiment vertigineuse. Du haut de ce mur d’albâtre, on en tendait des vagues s’écraser contre le soc calcaire. Tout vibrait. Il n’y avait que les sternes pour se trouver là dans leur élément. C’était le dernier été avant mon entrée au lycée. Ma grand-mère était maintenant veuve. La maison sera vendue quelques mois après.

Récemment, l’occasion de retourner voir la maison de mes grands-parents s’est présentée. Le hasard voulait que je passe par là. J’ai donc fait le détour pour rafraîchir ma mémoire. Mais à quelques pas, sur la route qui y conduisait, une barrière, à grand renfort d’arrêté municipal, interdisait l’accès. Je me suis garé. J’ai passé outre, à mes risques et périls. J’ai sauté par-dessus l’obstacle. Quelques dizaines de mètres plus loin, la mer était toujours là. Le bord de la falaise aussi. Seul le pavillon et le jardin n’y étaient plus. Le trait de côte avait implacablement avancé jusqu’à engloutir tout un pan de souvenirs.

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