écopoétique #10 | notes qui roulent n’amassent (à propos de pierres)

  • Une pierre au temps long pour mon temps humain, pourtant la pierre a coupé court au temps colossal de la roche dont elle émerge, donc je peux penser à la pierre comme du temps court –
  • Pierre qui roule n’amasse pas mousse. C’est par l’instabilité de la pierre que nous vient sa morale. Ce défaut de permanence comparativement à la roche la rapproche de la cigale, son sévère défaut : chanter au lieu d’assurer sa stabilité –
  • Dans les itinéraires difficiles sans autre repérage possible, les pierres servent de balises. Les marcheurs et marcheuses débusquent leur passage de kern en kern. Le mot breton désigne la cime, le sommet, ou la pointe. L’amas de pierre tenant en équilibre, les marcheurs, marcheuses, j’y tiens, jouent un jeu de mikado en essayant de poser sur le tas une pierre supplémentaire sur le sommet du kern. C’est même parfois un château de carte plutôt qu’un jeu de mikado.
  • Les pierres peuvent simplement être jetées à terre pour conserver une trace éphémère. Quand les applications GPS tracent nos déplacements, elles renvoient à cette technique du Petit Poucet ou aux animaux pisteurs qui s’orientent à l’aide de leurs traces, et plus lointainement à notre développement cérébral : nous avons commencé à penser par l’intermédiaire d’une représentation abstraite de la trace parce que, debout, nous n’avions plus la possibilité de sentir nos tracés.
  • A l’âge de pierre nous n’avions que la pierre pour travailler et nous battre. Il nous a fallu plus de deux millions d’années pour fixer ces pierres sur des hampes de bois. Nous tenons un outil dans la main : nos outils « lithiques » relatifs à la pierre.
  • L’époque néolithique est l’âge de la pierre polie. Nous ne sommes plus des pierres qui roulent de campement en campement, nous nous sédentarisons et nous polissons nos pierres. Nous récoltons sur l’espace où nous avons planté plutôt que cueillir dans les arbres, arbustes et plantes qui nous entourent. Nous écrasons des graines, nous pétrissons des pâtes et nous pétrissons des pots en terre qui ressemblent à la pierre.
  • Entre la pierre et la terre : un ancêtre commun, la roche. La pierre s’en est séparée dans un petit morceau dur, la terre elle s’est ameublie. L’une abrite des composants, l’autre des habitants : insectes, organises souterrains, eau, air. La pierre est un ventre de minéraux, la terre une langue de vie.

A propos de Nolwenn Euzen

blog le carnet des ateliers amatrice de randonnée (pédestre et cycliste) et d'écriture, j'ai proposé des séjours d'écriture croisant la marche et l'écriture, et des ateliers deux livres papiers et un au format numérique "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue revues La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune...

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