#écopoétique #10 | notes pour celle qu’il a ramassée et qui me revient

il n’est plus là. Elle oui. Posée à côté. Ramassée sur elle-même. Lourde de sens.


le contraire de la craie. Tout sauf friable.


noire avec le blanc éphémère d’un reflet sur le bord. Hermétique. Lisse. En la tenant, on caresse un secret bien gardé


elle vaut son pesant de nuit


comme une sculpture sauvage que la mer aurait travaillée jusqu’à la grève arpentée par lui des heures durant, peut-être à sa recherche ; après l’avoir recueillie, il s’est immobilisé pour la regarder sur sa table de travail


peuplant la forme qu’elle a prise, elle enferme dans une densité triangulaire les questions qui n’ont pas trouvé de réponses.


quelqu’un pourrait l’avoir façonnée il y a des lustres. Sa forme régulière, légèrement bombée, traversée par les lignes de force qui se croisent sur une base plane, font penser à un rituel opaque


en diluant l’encre noire sur une autre pierre puis en transférant au pinceau sur le papier la présence latérale de sa trouvaille, il a laissé l’infini s’exprimer


déjà les draperies sombres d’une scorie offerte par un professeur avaient capté son attention. Il y soupesait comme dans celle que je tiens, un appel


ni obsidienne ni agate noire ni tourmaline ni marbre noir alors quoi


l’autre, comme sœur recouverte par les feuilles mortes, est posée près du rosier de Chine planté en son hommage dans l’enceinte de la rotonde


pierre de shungite, système cristallin amorphe, carbone non cristallisé, famille des interprétations dispersée


bloc de silence sans arêtes


trois pointes arrondies, la pente vers le renflement d’un sommet haut de quelques centimètres, un ilot qui coulerait à pic s’il retrouvait l’eau


la pierre de rêve est prélèvement tranché, désignation ouverte. Pas cette pierre-ilot : close elle est l’intégralité de ce qu’elle désigne


en la plaçant sur un lit de graviers ratissés et blancs, on aurait en miniature un peu de Ryoan-Ji. A-t-il fait le déplacement mental sur la grève de la découverte ?


transportée à l’intérieur, elle transforme, une fois déposée, ce qui l’entoure en paysage


écrire l’absorbe et la contient


à la taille de cette main qui l’épouse pour voir


semblable

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

4 commentaires à propos de “#écopoétique #10 | notes pour celle qu’il a ramassée et qui me revient”

  1. Oh, tellement beau, inspirant, « bloc de silence sans arrêtes », « écrire l’absorbe et la contient », « peuplant la forme qu’elle a prise, elle enferme dans une densité triangulaire les questions qui n’ont pas trouvé de réponses », « elle transforme ce qui l’entoure en paysage », je vais finir par tout recopier… 🙂 Merci, Christine.

  2. Très belle déclinaison de la pierre noire, j’en retiens, fortes, ces courtes déclamations comme des adages « elle vaut son pesant de nuit », « bloc de silence sans arêtes » ou encore « écrire l’absorbe et la contient ». J’aime beaucoup.

  3. très réussi, j’ai vraiment aimé lire ces petits fragments où plusieurs histoires se croisent et nous interpellent
    « bloc de silence sans arêtes »
    on demeure dans l’observation, on tourne autour et on ressent l’histoire humaine autour d’elle, la pierre (au féminin)

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