Quel est le point de départ d’une aventure vers « le centre » ?
Pour moi, aujourd’hui, le point de départ est l’épuisement, condition nécessaire au sens philosophique du terme, c’est-à-dire qui ne peut ni ne pas être ni être autrement, pour « accepter » « de tout perdre ».
Obession perso : quelle est l’unité de mesure ?
Ou comment dépasser la recherche de raison pour entrer dans le résonnement ?
Je ne sais plus ce qu’on ne se disait pas au téléphone, cela devait faire 10 minutes de bruit blanc typiquement familial qu’on ne se disait rien, rien de surprenant. De mauvaise mémoire je dirai qu’il devait se composer d’éléments minimaux sur les caractéristiques hautement supérieures de tout élément issu de la cellule tout en les dépeignant comme ingrats et trop limités pour atteindre le niveau de compréhension nécessaire à l’éblouissement de l’élément central : ma mère.
Incomprise, se délectant de toute opposition comme justifiant la prééminence de son trône pas si virtuel que ça, elle interrompit tout-à-coup et sans prévenir la messe :
« -il y a quelque chose que je dois t’avouer… »
Je n’étais pas préparée à ça. Vraiment. Et pourtant, c’est ce que j’avais attendu toute ma vie. Tout en espérant que ça n’arrive jamais. Allait-elle … ? Etait-ce possible ? j’allais enfin accéder à !
« -je ne l’ai jamais dit à personne. »
J’avance dans le couloir du Cairn, mon bras tremble de laisser tomber le flambeau, je n’ose interrompre ni ses mots, ni le vent, ni rien. J’attends encore.
« -je souffre de spasmophilie… »
C’était, sans le dater avec précision, mais au moins, loin. Très loin. D’ailleurs au moment où la phrase tombe, je me rappelle la sensation de déception, incomparable car trop léger pour ce que j’en attendais. Même la déception était déceptive, en quelque sorte.
Qu’ai-je répondu alors ? je ne me souviens pas bien des mots, bredouillés à hauteur de muret et tombés là, sur les graviers rose de l’allée menant à la maison de mémé Alice et pépé Yvon à Dolus. Ce muret qui était mur infranchissable, gardien de secrets innommables, dans mes souvenirs d’enfant de trois ans, et qui était devenu ridicule et surtout sale petit muret à mes yeux d’adulte mal dégrossi lors d’un pèlerinage tout aussi décevant que le reste d’une petite vie finalement morne et grise, à l’image d’une rencontre brutale avec un réel « humain, rien qu’humain ».
Pas même une petite corne de diable pour tenter de. Non. Rien que de l’humain, dans toute sa déceptivité.
J’avais vécu, imaginé, supporté tout ça pour « de l’humain », rien que de l’humain.
J’ai gardé cette phrase au fonds. Comme honteuse d’ailleurs. Ce n’est qu’aujourd’hui que je cherche le mot. Qui n’en finit toujours pas de me décevoir encore. Mais le goût a changé.
Le centre de ma terre, le trou dans lequel j’espérais trouver les trésors inespérés, ne dépasse pas le niveau de la croûte. Mais, justement, me laisse ainsi tout l’espace du rêve, peut être enfin.
« me laisse ainsi tout l’espace du rêve ». Comme ton texte, elliptique, mystérieux, qui ouvre des portes sur des pièces non éclairées… L’art du suspens (mot à prononcer en français, pas en anglais, ce qui me fait d’ailleurs réaliser l’origine du mot anglais « suspens »). Richesse d’évocation de ce qui n’est pas dit, à peine suggéré…
Merci du pas sage et de la lecture, tiens je viens de l’entendre lect-ure. Merci donc.
Une aventure vers le centre, sans conteste, portée par tes longues phrases qui effeuillent une intimité qui tire vers le fantastique. J’aime le voyage et l’écriture à hauteur humaine. J’aime beaucoup.
Merci, j’ai un peu relu mon Mémoire de Master 2 entre temps pour y trouver un passage du Journals de Denton, et je comprends mieux pourquoi je n’ai pas encore donné suite. Pas encore.
« Les rêves ça pousse sous la pluie
Quand la dernière larme fait déborder la rigole
Et le flot t’emporte loin très vite
Et tu ne sens plus le froid
L’eau qui te mouille et tu respires dans la vague
En déclarant aux poissons plutôt crever
Plutôt mourir que ne pas vivre
Alors, alors ils t’écoutent sachant bien que tu n’es pas d’ici
Et comme un étranger rentrant chez lui
Tu vas partir tu n’es pas de ce monde
Et ta femme jalouse possessive et redoutable
A laissé sur toi son parfum tenace et visqueux
Madame la mort ne supporte pas d’incartades
Tout juste elle te donne du mou
Faire le fanfaron déchiré sur un comptoir
A hurler pour un panier de crabes
Une tribu de morues et un banc de maquereaux
En brandissant ton poing rageur
Moi c’est pas ma femme qui porte la culotte
Alors ils rient ou s’émeuvent du ridicule
Ou de la naïveté et les conversations reprennent
Chacun dans sa bulle d’eau propre
Les poissons s’en branlent
Iils ne viendront pas chez toi vérifier
A-t-on déjà vu un poisson sortir de l’eau et visiter la réalité?
Il y a pourtant tant de choses à dire, tant de choses à faire
Tant de barreaux à scier avec les dents qui restent
Il y a tant de morts à vivre en toi, cimetière ambulant
De souvenirs de chair et de sang d’espoirs
Inassouvis abattus en plein vol
Tant de haine qui ne se tait que pour reprendre son souffle
Tant d’amour jamais si vrai qu’au moment où il fait mal
Tant de choses à dire, tant de chemin parcouru
Pour n’oublier que les autres qu’on traverse et qu’on transperce
Pour se retrouver tout rouge, la bouche dégoulinante
D’une valve qu’on mâche encore.
Il y a tant de vérités qui ne servent qu’à mentir
Tant de merde pour chaque jour sortir de mon cul
Il y a tout ce qu’on mange et tout ce qu’on tue
Il y a tant d’amis d’aujourd’hui
Qui déversent des mots qui flattent mon ego
Comme la croupe d’un cheval de labour
Et qui plongent dans le sillon définitivement impur
Il y a tant de feux-follets, femmes étincelantes qui percent mes ténèbres
L’espace d’un instant, juste un instant, t’es pas rendu mon gars
Il y a tant de choses en toi, alors la marée s’en va
Et les poissons avec elle
Alors planté dans la vase tu sais qu’elle t’attend
Et qu’à mesure que l’eau descend sous ta peau tu la sens
Qui récupère son bien, tu lui appartient
Alors elle te ramène chez toi titubant
Et te borde dans ton lit froid
Et elle gèlera tes rêves pour que tu ne t’y noies pas
Pas encore et tu sens ton corps flétrir
Et racornir sous le gel à mesure qu’à l’intérieur gonfle ton cœur
Et encore une nuit à attendre de savoir si tu tiendras les pressions
A se demander pourquoi ne pas laisser béton
Cette histoire n’est plus la tienne
Il est mort depuis longtemps le beau jeune homme au talent
Il ne reste que sa rage qui demain te tiendra debout
Momie raidie par le froid avec juste la force de pleurer
Sous cette putain de pluie où naissent les putains de rêves. »
Paroles de la chanson « Les poissons » de Mano Solo, j’ai mis en entier parce que j’arrive pas à couper dedans.
Et toujours à écrire la réponse à Stig.