#écopoétique #09 | Pierre Patrolin, enfoncement dans la substance

Quel est le point de départ d’une aventure vers « le centre » ?

Pour moi, aujourd’hui, le point de départ est l’épuisement, condition nécessaire au sens philosophique du terme, c’est-à-dire qui ne peut ni ne pas être ni être autrement, pour « accepter » « de tout perdre ».

Obession perso : quelle est l’unité de mesure ?

Ou comment dépasser la recherche de raison pour entrer dans le résonnement ?

Je ne sais plus ce qu’on ne se disait pas au téléphone, cela devait faire 10 minutes de bruit blanc typiquement familial qu’on ne se disait rien, rien de surprenant. De mauvaise mémoire je dirai qu’il devait se composer d’éléments minimaux sur les caractéristiques hautement supérieures de tout élément issu de la cellule tout en les dépeignant comme ingrats et trop limités pour atteindre le niveau de compréhension nécessaire à l’éblouissement de l’élément central : ma mère.

Incomprise, se délectant de toute opposition comme justifiant la prééminence de son trône pas si virtuel que ça, elle interrompit tout-à-coup et sans prévenir la messe :

« -il y a quelque chose que je dois t’avouer… »

Je n’étais pas préparée à ça. Vraiment. Et pourtant, c’est ce que j’avais attendu toute ma vie. Tout en espérant que ça n’arrive jamais. Allait-elle … ? Etait-ce possible ? j’allais enfin accéder à !

« -je ne l’ai jamais dit à personne. »

J’avance dans le couloir du Cairn, mon bras tremble de laisser tomber le flambeau, je n’ose interrompre ni ses mots, ni le vent, ni rien. J’attends encore.

« -je souffre de spasmophilie… »

C’était, sans le dater avec précision, mais au moins, loin. Très loin. D’ailleurs au moment où la phrase tombe, je me rappelle la sensation de déception, incomparable car trop léger pour ce que j’en attendais. Même la déception était déceptive, en quelque sorte.

Qu’ai-je répondu alors ? je ne me souviens pas bien des mots, bredouillés à hauteur de muret et tombés là, sur les graviers rose de l’allée menant à la maison de mémé Alice et pépé Yvon à Dolus. Ce muret qui était mur infranchissable, gardien de secrets innommables, dans mes souvenirs d’enfant de trois ans, et qui était devenu ridicule et surtout sale petit muret à mes yeux d’adulte mal dégrossi lors d’un pèlerinage tout aussi décevant que le reste d’une petite vie finalement morne et grise, à l’image d’une rencontre brutale avec un réel « humain, rien qu’humain ».

Pas même une petite corne de diable pour tenter de. Non. Rien que de l’humain, dans toute sa déceptivité.

J’avais vécu, imaginé, supporté tout ça pour « de l’humain », rien que de l’humain.

J’ai gardé cette phrase au fonds. Comme honteuse d’ailleurs. Ce n’est qu’aujourd’hui que je cherche le mot. Qui n’en finit toujours pas de me décevoir encore. Mais le goût a changé.

Le centre de ma terre, le trou dans lequel j’espérais trouver les trésors inespérés, ne dépasse pas le niveau de la croûte. Mais, justement, me laisse ainsi tout l’espace du rêve, peut être enfin.

A propos de Alexia

Chercheuse par diplôme (Master 2, 2018) en littérature anglaise du 20ème siècle à Tours, indépendante car pas rattachée à une université pour l'heure, je fais des mousses au chocolat, des îles flottantes, du pain perdu caramel, des meringues, des crèmes brûlées...un jour, j'arriverais au niveau de la tarte au citron de Blanche!!! je l'aurais un jour!!! je l'aurais!!! En attendant, j'épluche aussi des pommes...

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