Il brume; un rideau vaporeux au confluent des lignes de fuite, amollit les blockhaus. À droite le ciel moutonne. Les piétons, ils sont rares, marchent dans l’autre sens en direction du phare, ils ne s’alarment pas de la présence d’une bicyclette qui roule sans se presser : interdit aux vélos, signale un pictogramme à chaque intersection ; sur arrêté préfectoral la digue, depuis qu’elle a été refaite, est réservée aux marcheurs : Les assauts de la mer sauvage, de la houle et des tempêtes ont eu raison de l’ancienne, un ouvrage de béton à enrochement la remplace. Côté mer derrière le parapet, des blocs de granit où se nichent résidus plastique, bois flottés, cadavres d’oiseaux. Un tronc échoué se dresse: priapique. Totem dérisoire, mât de personne. Côté champs, sur le bord ensablé où le béton s’effrite, de drôles de fleurs jaunes en pelotes, méli-mélo de tiges caoutchouteuses, que le vent fait rouler; la couleur jaune rompt la monotonie grise du béton. J’ai plongé dans mon sac pour chercher l’appareil, le carnet tombe ; une mouette crie. L’eau s’est retirée si loin : j’hésite à descendre. J’enjambe le parapet et je regarde, par-delà le champ d’algues, de flaques, de roches, la courbure de l’horizon. J’allume une cigarette imaginaire, tige humide tirée de la poche du caban avec ce briquet tempête trouvé derrière le calvaire du port, il me demande comment je vais – je l’ai rêvé souvent – , mais il n’y a personne; je réponds que me yeux me trahissent. Un oiseau plonge, point minuscule dédoublé et flou. L’océan retiré au plus bas, stagne. Quelques vagues molles se défont sans atteindre le rivage. Cette tache verte qui se déplace latéralement se penche et se redresse est-ce un pêcheur de coques ?
8 commentaires à propos de “#écopoétique #08 | côte sauvage”
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L’éloignement de l’eau et la déliquescence des silhouettes. Inaccessible retour à la parole vive. Quelque chose d’informe disséminé à perte de vue. Même la photo perd ses prises devant un Océan fugueur. Le « blockaus ramolli » et le « priapisme » d’une écharde de bois géante font perdre espoir de retrouvailles vives. Le pêcheur de coques ne se retourne pas. Presque une scène de Mort à Venise…
Un fragment décomposé en miettes « …le carnet tombe ; une mouette crie. L’eau s’est retirée si loin… » Très visuel. Merci Nathalie.
Merci Marie-Thérèse et Jean-Luc de vos retours (sans doute un peu à côté de la consigne )
Très beau. Si présent. Merci Nathalie. Peur de ces assauts de l’océan et des pièges de la mer retirée.
Merci Ugo
« Côté champs, sur le bord ensablé où le béton s’effrite, de drôles de fleurs jaunes en pelotes, méli-mélo de tiges caoutchouteuses, que le vent fait rouler; la couleur jaune rompt la monotonie grise du béton. J’ai plongé dans mon sac pour chercher l’appareil, le carnet tombe ; une mouette crie. L’eau s’est retirée si loin… » merci de nous embarquer avec toi
Merci Brigitte
J’adore tes phrases courtes dans ce texte, tellement entraînant avec ce visuel précis en peu de mots. Chez toi tout fragment est toujours un début de quelque chose, on y est, on attend la suite… Merci, Nathalie.