je roule à contre vent dans ce K-Way de marin déchiré et trop grand; mon bonnet pèse comme la fonte ; l’eau trempe ma poitrine, elle inonde ma bouche ; je vois trouble. Loin devant c’est la brume; l’air aux relents de varech et de laine mouillée fume. Les flèches cinglent, je ruisselle . Mes mains endurcies au guidon semblent fondre ; tête en bélier je fonce, je tiens tête. Souviens-toi ō pluie : Souviens toi, c’est à toi que je parle . La route est un miroir. Tu me transperces, je t’éparpille : souviens-toi c’est ton eau que je chasse. Le garde boue éructe, il vomit ; qui se retournerait verrait la chiasse, l’écume noire faire sillage. Vois à bâbord les bêtes s’enfoncer dans la bourbe du marais en crue, cette jument trop vieille pour lutter, chavirée par le flux. La mangeoire est torrent; l’abri une barque de tôle, il dérive . Vois sur l’autre bord, la vigne noyée, bras torses, suppliante, et l’arbre qui se couche. Souviens toi, c’est à toi que je parle. Entends ce chant arrachés à la houle, paroles de marin remontées de l’oubli par l’estuaire : Écoute! Cède à la supplique; oublie ton acharnement à ruiner nos toits et à perdre nos traces. Retourne-toi. Pars irriguer l’autre terre, là-bas le feu ruine. Vas, éteins la braise. Fais germer le grain et lever le pain
9 commentaires à propos de “#ecopoetique #06 | souviens-toi”
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L’eau dévastatrice, l’eau bienfaitrice. Magnifique texte, ponctués de supplications à cette eau sourde à nos paroles.
Merci vraiment Nathalie.
Oups ponctué sans le pluriel c’est mieux !
On s’y croit. Belle évocation.
Quelles belles façons de dire à la pluie d’aller voir ailleurs. Merci Nathalie.
Merci beaucoup Marie, Danièle, Ugo. Tenté d’approcher la consigne de jouer avec la forme proposée ( bizarre impression de porter un costume) cependant la contrainte a réactivé des sensations…
Supplique à la pluie pour qu’elle fasse mieux son boulot ? Pourquoi pas ? A bicyclette contre vent et pluie dans un Kway défectueux relève de la témérité ou du masochisme,pour prendre un aussi gros bain de boue, autant partir en cure thermale. Le texte rend bien les doléances vis à vis de la météo déréglée. Le vélo est pourtant un acteur contre l’empreinte carbone, aujourd’hui, on ne sait plus où donner du garde-boue. Pffff;;;;
Rester enfermée à ruminer ou affronter la tempête ? Parfois on est juste surpris par l’orage ( Reprendre la même route jamais la même) . Qui sait si le pédalage contre vent mettra l’empreinte carbone KO – pas gagné. Merci du passage Marie Thérèse
il faut dire que tu t’y connais en « Averses »…
et tu nous emportes plus loin, dans le flux boueux avec la jument qui lutte dans le courant, images de drames et de marécages (j’ai pensé à Faulkner et les immenses inondations du Mississippi)
« Souviens-toi, c’est à toi que je parle »…
(merci Nat)
Ah merci pour « Averses » Françoise ( Faulkner un maître) … merci de me « parler »!