#écopoétique #05 | L’infatigable misère sociale

L’infatigable misère sociale

Il y a plein d’adjectifs pour la qualifier sans l’éradiquer.

Pas besoin d’aller très loin autour pour la trouver.

A la lisière de la capitale des Gaules

Délimitée par le périphérique sud – est

Elle ne se montre pas d’emblée hostile

Elle se devine pourtant aux grappes de dealers

Silhouettes fuyantes aux vêtements sombres

Casquettes à capuche regards sans regard ou appuyé

Défi larvé et bagnoles rutilantes crissement de pneus

Certains disent bonjour ils ont appris à la petite école

Ils en sont sortis sans diplôme ils ont trouvé mieux

Ils furètent et rouillent ou foutent la trouille

au bas des escaliers maussades

Ils ne se cachent pas et jouent à semer la police.

L’été les ados font des rodéos sans casque

Ce sont les petits frères, le filles rasent les murs

ou s’exposent en nymphettes insolentes et maquillées

Beaucoup sont voilées (plus qu’avant)

La religion fait le partage entre les comportements

Les mères protègent les petits mâles jusqu’au collège

Cela ne suffit pas en filigrane les dés sont pipés

Les jeunes qui croient au futur ont des ambitions

Toutes et tous ne sont pas logé.e.s à la même enseigne

Derrière eux la misère sociale s’organise en ghettos

Elle se confine dans ce vieux quartier au long passé ouvrier

Entre usines démantelées et hôpitaux déclassés

La destruction de l’autopont en 2018 a donné le signal politique

« zone de redynamisation urbaine  » tel est le message

Les artères philanthropiques de Tony Garnier

Boulevard des Etats Unis début XX° siècle

Cité Gerland – Longue Rue Berthelot

coupant l’agglomération entre Bron et le Rhône

 ont irrigué l’habitat et l’ont figé jusqu’à saturation

Sans ascenseur les ancien.ne.s  habitant.e.s

 n’y vieillissent plus ou y sont mort .e.s. peu à peu

La promotion immobilière a fait  imploser ces quartiers

annexés aux 3° et 7° jusqu’aux portes de Vénissieux

Ainsi le malheur social a trouvé refuge dans les plans

d’urbanisation toujours  insuffisants  et sélectifs

Un foisonnement de comités de quartier

débats houleux entre porte-parole délégués et médiateurs …

Les premiers représentant.e.s de locataires élu.e.s

remplacé.e.s demain ou après-demain par des propriétaires

Lissage et mixage des prétendant.e.s au logement

Recherche de salubrité et de solvabilité

Halte aux punaises de lit, aux rats et aux cancrelats !

Les projets bienveillants sont affichés

à longueur de palissades et de flyers

On y voit des gens actifs et heureux

 des commerces prospères et des services publics rénovés

Entre l’image et la réalité il y a des années de gravats

et de désillusions aggravées

 l’augmentation des loyers devient justifiable

par les normes écologiques et leurs effets de surcoût

Ce qu’on ne dit pas : Le Grand Lyon a besoin de s’étendre

et de rendre visible le commerce à haut débit

Il grignote peu à peu les terrains constructibles

On rachète même des villas des années 50 ou plus

On les remplace par des immeubles en co-propriété

Une part minime de logements sociaux pris d’assaut

L’heure est à la rentabilité.

Toute  misère sociale est reléguée

aux parcelles non encore démolies.

ça va très vite désormais

 le confinement avait retardé les destructions

mais tout se rattrape aujourd’hui .

On a observé la métamorphose du quartier Mermoz

coupé en deux par la ligne D du Métro et le T6 du Tramway.

Plusieurs années de chantier

« quartiers qui craignent » lit-on dans les journaux.

Jusqu’à la démolition des immeubles et de l’école Pasteur

Le centre social est devenu le point stratégique des infos.

La misère sociale s’affiche au fil des mois

La peau des murs la révèle

La couleur des visages aussi

Quartier Sud Quartier Nord

Concentration d’étranger.e.s

Primo arrivant.e.s  au gré des exils

Tout le brassage des populations s’accélère.

 Les logements sont trop étroits

La misère sociale s’installe dans les rues.

A suivre… (Premier jet )

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

7 commentaires à propos de “#écopoétique #05 | L’infatigable misère sociale”

  1. Détresse en lisière… Cet autre monde ci loin ci proche…
    « Ils furètent et rouillent ou foutent la trouille »
    « au bas des escaliers maussades
    Entre l’image et la réalité il y a des années de gravats et de désillusions aggravées »
    Merci pour ce texte qui nous rappelle une réalité qu’on aime bien oublier…

  2. Merci Ugo et Natacha pour votre passage dans cette « réalité » là, bien incomplète puisque de toute transformation aussi radicale ( on rase et on reconstruit ) amène d’autres dynamiques et d’autres façons de vivre ensemble au point de me demander si ce n’est pas la peinture neuve et la verdure importée qui console un peu la population qui tire le bon lot (numéro et nouvel emplacement d’immeuble). La démolition « à la boule » est spectaculaire, la reconstruction lente et inesthétique. Mais les enfants qui ont grandi continuent à jouer, rire et crier entre les bouts de béton et les ferrailles. Quand les premiers chantiers ont été fini, les gens sont rentrés chez eux et se retrouvent maintenant dans les jardins municipaux et au marché. Le quartier Nord a embelli, le Sud attend encore son tour. Une certaine émotion à traverser à pied ces drôles de termitières où la vie grouille, la misère encore aussi…


  3. Ils furètent et rouillent ou foutent la trouille

    Cela ne suffit pas en filigrane les dés sont pipés

    Entre l’image et la réalité il y a des années de gravats
    et de désillusions aggravées

    Vos mots sont si justes, tristement exacts, tranchants.
    Merci Marie-Thérèse

  4. un premier jet déjà très édifiant….
    un état des lieux réaliste et alarmant
    je retiens les descriptifs rapides des personnages, les mères qui protègent les petits mâles, les nymphettes maquillées comme des figures tranchées sur le blanc au fusain
    (et je me dis que j’ai bien fait de fuir la ville…)

  5. On attend la suite de ce premier jet si prenant, de cette misère sociale qui s’étale ou se cache. C’est en somme un bel aperçu de la misère de l’histoire humaine. Merci pour ce texte si prenant.

  6. Merci Khedidja, Françoise et Elise pour vos passages ici. Ce texte très limité évoque la transformation d’un arrondissement de Lyon que je parcours depuis plus quarante cinq ans. La démographie démontre un énorme brassage de population et une réorganisation des espaces de vie et de rencontres.

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