Monologue dans quoi l'on verra que notre héros face à l'innommable trouve de quoi nommer sans grand peine
Bien sûr qu’ils diront que tout cela n’est qu’une affaire de cervelle en capilotade ! Que mon esprit, battu comme une crème épaisse, a perdu de sa vigueur, que mes pensées se diluent comme un vin coupé d’eau de vaisselle ! Mais voyons, qui sont-ils, ces doctes morveux qui tâteraient l’âme comme on tâte un melon ? Ils se rassurent, bien sûr. Accrochés à leurs certitudes comme des morpions à une chevelure drue, ils sucent le moindre sens qu’ils trouvent, pour ne pas être jetés par-dessus bord dans le grand flot de l’incertain. Ah, qu’ils rient donc, avec leurs fesses bien calées sur des coussins de plumes ! Ils parlent de raison comme s’ils en portaient dans leurs poches, mais ne savent que tripoter la façade des choses.
Quant à moi, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain ne sont plus que de la fumée ! Je vous l’affirme, tout se dissout entre les doigts comme du beurre fondu sur une poêle trop chaude. Ce qui semblait solide ? Paf, envolé ! Ce que je tenais pour certain ? Crac, disparu ! J’aurais mieux fait de courir après des bulles de savon. Mais quand bien même il resterait un peu de tout cela, ce ne seraient que des miettes que je retrouverais dans le fond de mes poches, à côté d’un vieux bout de ficelle ou d’un ticket de taverne oublié. Et je vous le dis, mes bons amis : quand on regarde bien, la mer devant soi est aussi plane que le ventre d’un bonhomme après un gros repas, pleine d’un jus huileux qui sent le vin tourné. Tout glisse dessus, rien n’y prend. Ah, peut-être que dans cette mer, je ne suis qu’une bulle d’écume qui éclate avant même d’avoir vu le ciel. Mais n’est-ce pas là la meilleure des farces ?
Alors après le chagrin, la colère, et même la rage – ah, cette rage qui vous fait bouillir le sang comme une marmite oubliée sur le feu ! – eh bien, j’ai choisi la folie. Mais attention, pas n’importe quelle folie ! Celle-ci, mes amis, est douce, comme un fromage bien affiné. Elle ne pique pas, elle fond doucement dans l’esprit. J’ai troqué la gravité pour le rire, et l’absurde pour un bon coup de vin. Ah, la folie, quelle bonne amie ! Elle me fait des clins d’œil et me glisse à l’oreille des blagues qu’aucun homme sage ne pourrait comprendre. Pourquoi se lamenter, quand tout n’est qu’un grand carnaval, où chacun porte son masque, où l’on peut danser sans souci de l’heure ? Voilà mon secret : j’ai ri en plein visage du sérieux, et c’est lui qui a pris la fuite ! Maintenant, tout est un jeu, une mascarade joyeuse, et moi, je danse au milieu. Le dernier sursaut du vieillard ? Bah, je préfère en faire un saut de cabri, en éclatant de rire, un verre à la main !
« capilotade » est un mot que je n’arrête pas de croiser en ce moment, la capilotade en littérature nous propulse dans l’inanité de tombereaux de mots déversés au pied de soi pour se protéger de la contradiction. Comme toi, j’en fais les frais sans avoir les moyens de les payer. On ne prête qu’aux riches et aux grands gosiers. Ecrire long ou trop court pour ne pas être interrompu.e par la « morve » de la docte ou de la plèbe, en tout cas émiettant le sens jusqu’au rire ébrieux. C’est une méthode comme une autre. J’aime bien tes petits tableaux malicieux. J’ai beaucoup souri en lisant ce texte ( sans ivresse ajoutée). L’écopoétique nous mène jusqu’à la pollution verbale. Ce n’est pas très étonnant, mais quand même… Aujourd’hui, il décongestionne un peu ma colère…
L’innommable tellement bien nommé. Merci Patrick