A vue d’œil, il n’y avait qu’une chaussure par ci, un vieux tee-shirt par là, un peu comme tant de cours d’eau, autres gorges, autres voies terrestres ou aqueuses, et toujours les mêmes objets abandonnés, toujours les mêmes détritus. Lacets, sacs ou bouteilles plastiques, canettes de soda et de bière. Sans compter les déchets invisibles, excréments humains et canins, produits solaires… Tous éléments humains au milieu des arbres, arbustes, plantes aquatiques, végétaux divers, colchiques, campanules, vesces et lentilles d’eau, ou de plus rares, remarquables, tels omphalodès à feuilles de lin.
Je me dis « marcher sur des oeufs », du moins en douceur, sans altérer, sans déséquilibrer, sans déranger. Non pas sur les pointe des pieds mais en faisant attention où on les pose. Très exactement en prêtant attention. Observer de près, être attentif, c’est à dire attentionné. Avoir de la considération.
L’aquarandonnée n’est pas compatible avec le milieu vulnérable des gorges du Toulourenc, sa faune et sa flore fragilisées. Le piétinement de centaines de personnes, souvent en continu durant l’été, dégrade voire détruit les milieux de vie et de reproduction de nombreuses espèces aquatiques. Ce que fait le tourisme de masse aux sites naturels, à la biodiversité, piétinée, arrachée, effrayée.
Qui l’eût cru, les gorges étaient devenues en saison plus peuplées qu’un couloir du métro parisien ! Comment deviner alors l’asphyxie des alevins, des poissons, la souillure, les mouvements brusques, la pollution imperceptible ? Imaginer que son appartement soit assailli par des hordes d’animaux curieux qui visiteraient toute la journée un habitat humain. Imaginer que certains déplaceraient nos mobiliers que nous serions obligés d’enjamber, ou en bloquant la porte nous empêcheraient de sortir, d’aller et venir, de nous nourrir. C’est ce qui se produit quand des enfants ou même des adultes construisent des pseudo-barrages en galets sur les cours d’eau. Des lignes de pierres amoncelées, faux cairns, qui empêchent les poissons de circuler librement, de vivre leur vie de poisson. Et qui, en limitant l’écoulement de l’eau, entraînent l’augmentation de sa température et le développement d’algues. Alors défaire et déplacer, au risque de plus de dégradation encore, déployer les murs de cailloux pour en faire des chemins sinueux, des sentiers à emprunter d’un coup de nageoire.
Après la fréquentation estivale, qui a déjà baissé du fait de parkings avec un nombre de places réduites, de surcroît payantes, les gorges du Toulourenc ont retrouvé leur quiétude. Il y,a quelques années, un arrêté municipal, N°21/009, stipulait « Les gorges du Toulourenc par la commune de Saint Léger du Ventoux est interdit à partir di 1er juillet 2°21 et jusqu’au 31 août 2021 ». Une opération réitérait ainsi l’interdiction de 2020. Ce qu’il fallait après une détérioration de cette zone menacée par trop de promeneurs.
Depuis les aménagements concertés pour protéger les écosystèmes, des conseils plutôt que des interdictions, que chacun prenne la mesure, se responsabilise. S’impose une rando raisonnée, propre, plus discrète. Respectueuse en somme.
7 commentaires à propos de “#écopoétique #04 | Gorges du Toulourenc”
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Ce si beau mot « la considération » !
Oui, je trouve aussi, trop peu employé.
J’y étais allée le jour d’une finale ou demi finale de coupe de monde de foot où l’équipe de France jouait. Il y avait dégun !
C’est vraiment un bel endroit.
Une chance ! J’y suis plutôt allée le soir, quand les autres s’en vont ou hors saison.
ne faudrait-il pas tout simplement ne pas y aller, les laisser à leur vie propre, de même les savanes africaines et toutes ces zones si belles à rêver….
Ce serait triste pour les humains respectueux. Mais oui, garder des endroits intouchés, de vraies forêts sauvages.
Je découvre l’aquarandonnée. Il y a une lenteur dans la progession de tes phrases qui fait sens avec ce contexte « aquatique ». En effet, on a bien envie que les alevins vivent tranquillement sans croiser des armées de jambes en battement tempétueux de l’eau !
Nous partageons un éditeur en commun, je m’en aperçois : Tarmac. Mon livre est déjà ancien, il est paru en 2009 ou 2010.