Le jardin n’était pas très compliqué : un rectangle de 300 M2 coupé au presque centre par une petite allée bitumée qui menait au perron. Des murs en pierre, de la pelouse, enfin de l’herbe dont pas mal de trèfles et pissenlits qu’il taillait avec une tondeuse sans moteur en râlant d’abondance. Et puis des poiriers. L’église était tout près, la maison était un modeste et ancien presbytère. En creusant, on y avait trouvé des ossements humains, c’était l’emplacement de l’ancien cimetière. Les poiriers étaient noueux, moussus, tordus et donnaient des poires tordues, véreuses et granuleuses, généralement elles pourrissaient avant de mûrir, même cuites, elles n’étaient pas terribles. On a vite laissé tomber la cueillette, les poires tombaient, pourrissaient sur place, devenaient des mangeoires pour les mouches et les guêpes, se prenaient dans les lames de la tondeuse et il râlait d’abondance. Un buis solitaire avait poussé dans un coin, librement, jamais taillé il avait une jolie forme ovoïde, il répandait sans pudeur son odeur de pipi de chat et le chat allait volontiers le respirer. Elle avait semé des gerbes d’or, sa seule réussite avec un pied d’estragon. Contre les murs se pavanaient pas mal de pieds d’orties et de liserons, l’été l’herbe jaunissait, au printemps, elle poussait trop vite, s’il avait manqué les premiers tontes, un voisin prêtait sa faux, il avait un mal fou à faire le geste et il râlait d’abondance sous l’oeil goguenard du voisin qui finissait le boulot. Elle, avait bêché un mètre carré que ses parents avaient bien voulu lui concéder dans un coin ensoleillé, et avait planté le plus rectilignement possible des plants de fraisiers que le même voisin lui avait donné. Ça avait été une belle expérience, toucher la terre la remuer l’égrener lui avait procuré de la joie. On en avait obtenu tout un saladier, les meilleures fraises de sa vie s’était-elle exclamé et puis plus rien, les herbes sont venues envahir son carré.
4 commentaires à propos de “#écopoétique #03 | tout simple”
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Le jardin d’un râleur n’est-il pas condamné à la stérilité ? Le mètre carré d’essai aurait pu sauver l’affaire… J’espère que quelqu’un.e prendra la suite…
ah mais non, les râleurs sont des nerveux donc le sel de la terre comme l’a écrit Proust! et merci de votre passage fertile Marie-Thèrèse
râler c’est saler la terre si j’ai tout compris… ou la ratisser pour laisser pousser ce qui résiste ? J’aimerais bien lire en entier la référence de Proust. Merci d’avance.
Beaucoup aimé ce rectangle simple et le minimum de soin et ce qui en résulte si bien donné à voir. On espère encore avec ce carré dans le rectangle et puis non… C’est un jardin qui ouvre autre chose… Envie d’en lire davantage. Merci, Catherine.