écopoétique #03 l Hortithérapie

À l’Oasis, hôpital de jour dédié aux troubles du comportement alimentaire, le jeudi après-midi, c’est hortithérapie. À quatre pattes dans la cour bétonnée, penchés sur de petits pots en plastique, nous plantons et rempotons je ne sais quoi. Les mains dans la terre, l’esprit dans l’amer, je m’ennuie férocement jusqu’à l’inévitable cercle de parole, où nous célébrons la joie rédemptrice d’avoir « contribué au miracle de la vie », de nous être « reliés au cycle de la nature » et par là même « reliés à nous même » en nous « connectant au vivant », ce qui nous a « ancrés »,  » enracinés », alléluia. Je donne le change pour accélérer le moment où, libérée de l’œil thérapeutique, je foncerai tête baissée au rayon biscuits de l’hypermarché leclerc où je remplirai passionnément mon sac de merveilles garanties 100% hors sol / piétinement du vivant / insulte à la solidarité des espèces. À l’Oasis, hôpital de jour dédié aux troubles du comportement alimentaire, le jeudi après-midi, c’est hortithérapie. À quatre pattes dans la cour bétonnée, penchés sur de petits pots en plastique, nous plantons et rempotons je ne sais quoi. Les mains dans la terre, l’esprit dans l’amer, je m’ennuie docilement jusqu’à l’inévitable cercle de parole, où nous célébrons la joie rédemptrice d’avoir « contribué au miracle de la vie », de nous être « reliés au cycle de la nature » et donc « reliés à nous même » en nous « connectant au vivant », ce qui nous a « ancrés »,  » enracinés », alléluia. Je donne le change pour accélérer le moment où, libérée de l’œil thérapeutique, je foncerai tête baissée au rayon biscuits de l’hypermarché leclerc où je remplirai passionnément mon sac de merveilles garanties 100% hors sol / piétinement du vivant / insulte à la solidarité des espèces.
Authentique, enfin.

3 commentaires à propos de “écopoétique #03 l Hortithérapie”

  1. « À quatre pattes dans la cour bétonnée, penchés sur de petits pots en plastique, nous plantons et rempotons je ne sais quoi. »L’oeil thérapeutique n’est pas très jardinier dans cette histoire puisqu’il ne détecte pas l’ennui et le désintérêt de certains participant.e.s. Il ya pourtant belle lurette qu’on utilise ce type de médiation pour « occuper  » les patient.e.s assigné.e.s à des soins , que ce soit en psychiatrie ou en E.P.H.A.D , et maintenant dans les écoles maternelles et primaires. On s’est aperçu que les gens mangeaient mal, n’importe quoi, sans savoir d’où provient la nourriture traditionnelle. Eduquer et rééduquer par le goût et les saveurs nécessite des dispositifs complexes et compétents. Votre texte montre l’échec de celui-ci. Merci de l’avoir partagé.

  2. Merci pour vos commentaires. Je précise toutefois que mon texte ne critique pas une approche thérapeutique en tant que telle, puisque je ne sais pas quels ont été les effets de l’hortithérapie sur mes compagnes d’infortune. Je critiquerais plus un dispositif qui peut amener les thérapeutes à s’illusionner sur les effets de leurs interventions, car il ne se penche pas assez sur le problème de la sincérité, encore plus aigu chez des personnes fragiles, qui veulent faire plaisir pour qu’on ne les repousse pas.

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