#écopoétique #05 | Impasse d’impasse

J’y ai fait toutes mes maladies infantiles sauf une. J’y reviens.

La maison d’angle est celle du charcutier, qui a une loge au marché Victor-Hugo. Dans le long bâtiment bas qui longe le début de l’impasse se fabriquent les pâtés et les fricandeaux. D’autres produits peut-être aussi aux saveurs oubliées. Il y a là des odeurs qui montent en l’air, souvent, et qui se trimballent avec le vent. L’extérieur du bâtiment ne changera pas en soixante ans, les odeurs oui, quand ce sera devenu un simple garage.

A côté, la maison de l’ancien gendarme de Madagascar, avec le grand palmier au milieu du jardin et toutes les petites allées qui convergent vers ce grand fût, avec sa touffe dentée vert sombre, qui avale le soleil les soirs de cœur d’hiver. Le palmier finira par disparaître.

Chez les voisins, seulement un cerisier et une toute petite maison de briques. Le cerisier disparaîtra et la petite maison sera éclipsée par une grande, carrée et blanche, écrasante, avalant le jardin qui était tout autour du cerisier.

Comme une jumelle de la maison de briques, celle du jardin touffu où traîne toujours le vélo bleu à la peinture écaillée, qui termine parfois ses nuits dans le fossé de l’impasse, en ce temps où l’eau se collecte comme elle peut. Puis viendront le goudron, les caniveaux et les autos pour chaque maison.

Mais en face, tout contre le talus de la voie ferrée, les vélos alors, on les répare. L’atelier est tout en long, adossé à la voie ferrée. Les vélos y viennent en grinçant, repartent en faisant à peine moins de bruit. Un jour, ce sera le logement de deux voitures et les balais de leurs entrées et sorties, avec du bruit.

Ce côté de l’impasse est coupé par la maison tout en long de la Perlotte. L’extrémité est occupée par la remise de la charrette à bras. Bien sûr qu’un jour, ce sera un garage. Mais au temps d’après, l’espace pour enfants d’une famille roulant à vélo, garant son auto dans le caniveau. Autre temps, autres gens.

3 commentaires à propos de “#écopoétique #05 | Impasse d’impasse”

  1. Le temps passe et l’impasse laisse passer les véhicules et les gens dans les deux sens. On ne saura pas qui a été heureux ou malheureux dans cette impasse sympathique. Je voudrais tout de même savoir si la Perlotte est le nom d’une maison (en long) ou d’un personnage qu’on pourrait interviewer près d’une charrette à bras ou ce qu’il en reste. Les enfants adorent ce genre de grand jouet. Dans ce texte, j’ai peur de tout ce qui va disparaître, surtout le palmier déjà ciblé…

  2. Alors, que je dise tout de même : la Perlóta, pour l’écrire en occitan, était le surnom affectueux -petite perle- dont le mari usait pour son épouse, vendeuse des quatre-saisons. Quand j’étais enfant, l’homme était déjà mort mais toute l’impasse avait pris l’habitude d’appeler sa veuve, la Perlóta… Merci pour l’ensemble de cette encourageante réaction à mon texte !

Laisser un commentaire