Juste avant d’arriver aux Eyzies en Vallée de la Vézère, capitale mondiale de la Préhistoire, on longe un monument naturel, imposante masse rocheuse, la falaise de Laugerie basse. Majestueuse falaise de calcaire de soixante mètres de haut et de cinq cents mètres de long. Couches de schiste percées de cavités et couvertes de végétation : châtaigniers, chênes verts, bruyères. Sans doute quelques faucons pèlerins, des chiroptères et des hirondelles des rochers. Sur la pierre, les traces noires des milliers d’années de pluie qui ont dégouliné sur la falaise.
Même si je ne les voies pas les traces d’occupation humaine du magnadalénien, je sais qu’elles sont là silencieuses dans les abris sous roches et les différentes couches géologiques. Je les devine, je les ressens. Pas une fois je ne suis passée sur cette route sans ressentir une présence. Quelque chose d’infime, un appel des femmes et des hommes magdaléniens ? Sans doute.En longeant la falaise, j’entends leurs murmures, il y a 15 000 ans, après une longue marche à travers des paysages de steppe, émerveillé par ce site paisible en bord de rivière : « c’est là on est arrivé, quelques abris sous roche pour le gîte et pour se protéger des températures glaciales, des poissons dans la rivière, de vastes plaines pour la chasse. ».
Aujourd’hui encore ce sentiment de grande quiétude, de paysages spectaculaires, un méandre de la Vézère, des falaises qui épousent le cours de la rivière, on le ressent. Même si les paysages ont changé. La rivière est toujours là, le climat s’est adouci, les coteaux et falaises se sont couverts de châtaigniers, on ne chasse plus le mammouth, le rhinocéros laineux et le renne. Mais on observe – certains les chassent – la palombe, le sanglier et le cerf.
La première fois que j’ai séjourné aux Eyzies, c’était un mois de janvier. Le centre bourg était fantomatique à cette période de l’année. Mon hôtel étant en bord de Vézère, le soir après le dîner, j’ai longé la rivière sur l’ancien chemin de halage, jusqu’à ce que le froid glacial me transperce. Longtemps je me souviendrai de la sérénité des lieux. Du silence, mais pas que, en étant attentive, j’entendais le cliquetis de la rivière contre les rives, l’aboiement d’un chien, une voiture traversant le village fantôme, le vent. J’imaginais alors les femmes et les hommes de Cro-magnon. La nuit tombée, sans doute étaient-ils dans leurs abris sous roche fermés par des peaux de bêtes. Si ce n’est le crépitement du feu, tout devait être silence.
le silence qui révèle les autres bruits et aussi les présences du passé… très belle évocation de nos ancêtres déjà si bien organisés… je me plais moi aussi à penser souvent à eux
merci Isabelle
Merci Françoise pour ton retour. J ai commencé à penser à elles,eux, depuis que je vais régulièrement en Vallée de la Vézère…
Un texte qui me parle en raison de l’évocation de l’époque évoquée et son évolution jusqu’à nous sous la forme de ces concrétions monumentales de calcaire que les arbustes et les broussailles ont envahi aux endroits où c’était possibles. A la Grotte Chauvet en Ardèche, je retrouve les mêmes questionnements sur la préhistoire à – 36.000 ans. Dans les salles pédagogiques les maquettes et les vidéos tentent de reconstituer les changements géologiques et animaliers en mettant l’humain dans une position de spectateur, chasseur, émerveillé, peureux et velléitaire à la fois. Ces paysages invitent au silence et à la contemplation, et vous le rendez bien dans votre description. L’écriture est-elle une sorte de méandre oublieuse de ses efforts pour forcer le passage de la voix singulière ? https://www.grottechauvet2ardeche.com/
Grand merci pour la lecture et ce retour détaillé Marie-Thérèse. J’ai visité Chauvet reconstitué il y a quelques années. Une visite passionnante. Toujours intèressant et fascinant de remettre les dates -21 000 pour Lascaux -36 000 pour Chauvet. De se situer dans cette échelle de temps.
https://lascaux.fr/fr
merci pour le questionnement sur l’écriture, que je médite depuis sa lecture.