Quelque chose d’implacable
qui saute aux narines
puanteur réhaussée
par les vents du sud
une fragance récurrente
par intermittence
une nuisance olfactive
connue depuis l’enfance
pas n’importe où
c’est juste à l’entrée du village
les touristes questionnent
on leur rit au nez discrètement
les gens sont habitués
la commune est viticole
et il faut bien gagner sa vie
une cinquantaine d’employés
on a déplacé la cave coopérative
neuf kilomètres plus bas
on a fait un gros truc promotionnel
combinant oenologie et vente directe
regroupement longtemps rêvé
assemblée de producteurs
la fautive n’était pas la cave
on le croyait avant
et c’est elle qu’on accusait
en Septembre et après
Souvenir d’un mal de tête
systématique à chaque retour
de pension ou de voyage
ça ne risque rien nous dit-on
c’est juste désagréable
et ce n’est pas tout le temps
Pour une bourgade touristique
tout de même ça la fout mal
disait ma mère ça n’existe qu’ici
Tu pourrais faire quelque chose Robert ?
Robert n’a sans doute rien fait
Oenologue de vocation
ce n’était pas son créneau
Il a soigné les Vins d’Ardèche
a introduit des méthodes Beaujolaises
et la technique de macération carbonique
il avait d’ autres odeurs à surveiller
Contraste des bons parfums de cave
ou au débouchage d’un bon crû
Enfance embaumée des choix paternels
Visites curieuses et sacralisées
au Laboratoire en dessous
de chez nous lui Directeur
en lien téléphonique avec Patrons à Montpellier
Magie des pipettes et des chromatogrammes
Analyses artisanales et scrupuleuses
La machine à écrire trépidante
de la secrétaire tapant sur double papier carbone
tous les résultats chiffrés avec des virgules
taux d’alcool taux de sucre aspect des échantillons
Aller -retour dans les quarante deux
caves du département pour récupérer
de petites bouteilles brinquebalantes
dans les casiers de bois
et les bonbonnes prometteuses
à l’arrière de la citroën -cargo
Les odeurs de cave sur terre battue
m’enchanteront toujours
Les odeurs de distillerie industrielle
n’ont pas su me convaincre
La Distillerie incriminée a beau défendre sa production nauséabonde en relookant les bâtiments et en créant de nouvelles utilisations des déchets, je reste persuadée qu’elle n’a pas trouvé sa justification dans un emplacement contestable, entre le cimetière où reposent nos parents et un stade sans ombrage où l’on parque aussi des dromadaires et d’autres bêtes de cirque malheureux comme des cailloux.
quel beau sujet et d’accord avec toi !
« les odeurs de cave sur terre battue m’enchanteront toujours »
J »aime ces insolites et innocents dromadaires qui nous emmènent ailleurs tout en soulignant l’incongruité du paysage.
Quel texte! la découverte d’un site viticole , d’une petite ville où tout gravite autour de son activité viticole, son odeur ,son histoire et son évolution . Sa présentation textuelle aussi fait sens jusqu’au développement final , on y entend des voix , donc des hommes, et puis le progrès jusqu’à l’ insolite présence des dromadaires , malheureux comme des cailloux …belle image . Merci
Merci Françoise, Bernard et Carole pour vos trois commentaires sur cette évocation de village viticole en pleines vendanges mécanisées autour de sa pollueuse distillerie. Il n’y a peut-être que les dromadaires et les footballeurs derrière les dromadaires qui la supportent…