#photofictions #09 | Du neuf avec du vieux

Parfois, les meubles cessent de plaire. Ils sont là, posés, comme fondus dans le décor, on ne les voit plus, puis on ne voit plus qu’eux, on ne les supporte plus. Il faudrait tout changer. Tout changer, mais en gardant l’essentiel. Décaper, patiner, badigeonner, peindre ou cirer. Mettre au goût du jour. Et transmettre, de génération en génération.

Le bureau à cylindre du grand-père est taché de tasses à café qu’il y déposait chaque matin, à même le bois, laissant auréole sur auréole, et les tiroirs ont joué, de part et d’autre. Impossibles à refermer sur leurs secrets. On voudrait retrouver l’odeur d’encaustique qui se mêlait à celle du café, du tabac froid et des livres, et que le bureau, pourtant, se fonde dans le décor moderne d’un pavillon aux meubles préfabriqués et aux tableaux abstraits.

Passent les couleurs du temps et s’affichent les vernis nouveaux.

Travail d’atelier : pailler les chaises, patiner les bois abimés, coller sur les commodes défraîchies les images d’aujourd’hui. Pochoirs à peinture à l’aspect street-art sur le berceau passé d’usage qu’on transforme en jardinière. Tout est permis. Prendre du vieux, faire du neuf, comme on faisait avant, comme on a toujours fait. On a ça dans le sang, de génération en génération, et reste un peu du grand-père dans le bureau, étincellant, sur lequel il n’oserait poser son café.

Le bureau à cylindre est passé de la cave au salon, laqué blanc, rutilant. On intime aux enfants de ne pas s’en approcher. Votre arrière-grand-père écrivait, là ! N’allez pas écailler la peinture toute neuve. A peine si l’on ose y placer un bibelot. Une photo peut-être de l’aïeul, à son bureau, un peu en contre-jour. Dans un cadre doré, sur un napperon retrouvé dans une boîte et qu’on devine à peine, blanc sur blanc. On ne devine pas qu’il s’agit du même meuble.

Codicille
L'image dans l'Atlas, retrouvée en un rien de temps à partir du nom du magasin, Les Couleurs du temps, dans Google Map et l'article sur sa propriétaire, ici. Du neuf avec du vieux, jusqu'au bout de la démarche. Le texte sera hors champs, un peu, écrit à partir de l'article, copié collé et retravaillé jusqu'à faire les 1800 caractères demandés. Retravaillé, poli, méconnaissable. Comme les meubles qui passent par Les Couleurs du temps.

Les mots-clefs de l'image dans l'Atlas : 2017, Automne, Usine et atelier, Tôle-acier, Vexin normand

A propos de Sébastien Bailly

A beaucoup écrit. Et ne va pas s'arrêter là. Donne des cours de techniques rédactionnelles, et fais deux trois trucs sur Internet depuis un bon quart de siècle. Formations en ligne et ateliers d'écriture sur www.ecrireclair.net

6 commentaires à propos de “#photofictions #09 | Du neuf avec du vieux”

  1. Le bureau à cylindre fait corps avec le cylindre de tôle, les meubles se déguisent et perdurent. J’aime tous ces verbes (Décaper, patiner, badigeonner, peindre ou cirer… pailler , coller …)

    • Comme indiqué dans le codicille, tout cela vient de l’article qui parle de la propriétaire de la boutique. Du neuf avec du vieux, et ce parallèle entre la forme du hangar et celle du bureau, oui, c’était à ne pas rater ! Merci pour ta lecture

  2. Quelle belle idée que de réécrire comme on refait un meuble, décaper, patiner… Du coup, tes mots sentent l’encaustique. J’aime beaucoup.