Là où l’une était l’autre y était aussi. Mais il ne le savait pas encore. Elle non plus ne le savait pas. Elle était déjà deux alors mais elle se croyait toujours seule. Elle rêvait alors d’être deux, ou plutôt elle rêvait de cet autre qui n’aurait pas été elle mais qui serait en elle avant d’être un autre. L’une aurait pu prendre conscience d’être deux à ce moment-là, l’autre n’envisagerait jamais qu’il ait pu avoir une quelconque idée de ce qui lui arrivait alors. L’une avait une image de ce qu’il pourrait être tandis qu’il n’avait à cette heure aucune sorte d’idée qu’il puisse être même.
Il n’empêche qu’ils étaient déjà deux mais ne le savaient ni l’un ni l’autre, mais d’une ignorance qui n’était pas la même : ce qui manquait à l’une n’était même pas l’ébauche d’une présence en l’autre. L’une était un tout dans lequel l’autre existait à son insu. L’autre n’était que la virtualité d’un tout qui à son tour serait peut-être deux un jour. L’un comme l’autre ne parviendrait jamais à la conscience exacte de ce qu’ils avaient vécu.
Ils étaient deux tout en étant le tout d’avant ou d’après la séparation. Personne jamais ne pourrait mettre un nom sur ce qu’il en avait été. Il se tiendrait pour acquis qu’un jour ils avaient été deux puis qu’ils furent ensuite un seul. Mais pour elle qui était deux alors elle ne savait pas non plus qu’un jour elle avait été l’autre de l’une qui n’imaginait peut-être même pas qu’elle était là. L’autre qui serait seul peut être le serait pour toujours ou peut être connaîtrait-il ce même mystère qu’aucune conscience ne parviendrait à vivre autrement que par un effort de l’imagination.
Ces deux là à la fin ne seraient qu’un seul devant le mystère d’être à la fois l’un et l’autre pour devenir l’un sans l’autre. Pourtant là où était l’un l’autre y était aussi mais aucun mot jamais ne pourrait le dire ou plutôt le dire ne serait que reconnaître l’impuissance à pénétrer ce mystère.
Et puisque l’une disparaitrait, l’autre aussi à son tour s’effacerait. Ni de l’une, ni de l’autre il ne resterait rien d’autre que la certitude qu’alors ils avaient été deux sans le savoir, une certitude qui ne resterait dans aucun des deux mais en d’autres qui à leur tour seraient deux puis seuls, puis rien.
Ah, c’est trop bien et voilà des répétitions dont on sent d’emblée l’utilité ! Très convaincue par ce texte et le complet mystère de l’un pour l’autre… Beaucoup aimé ce texte qui se retourne dans tous les sens comme foetus baignant dans sa bulle. Merci
Merci à vous de votre lecture
Vertiges de l’altérité du même de l’autre . Du jeu d’être autre. Du je sans autre… elle il . Vous nous ouvrez des formes où glisser leurs histoires.