A l’ombre des arbres de vie
Le guide trace le chemin avec assurance, c’est lui qui maîtrise l’itinéraire, les lieux, les horaires. Les haltes pour un repos réparateur. Un pas après l’autre, à travers les montagnes de sable, montées, descentes, sable qui coule, cède, fait chavirer, ce sable si léger entre les doigts, si lourd aux chaussures. Soleil haut dans le ciel qui pèse sur les épaules. Une végétation clairsemée, de temps en temps un arbre isolé, squelette aux branches noires et sèches décorées de petites boules jaune mimosa, acacia radiana, le guide parle latin avec les plantes…
Première halte dans le sable sous cet arbre sec à l’ombre dense malgré sa silhouette décharnée. Pour nous accueillir, les chameliers ont préparé un thé à la menthe servi chaud sucré parfumé âcre désaltérant, la théière en métal, boule toute ronde brillante, est remplie d’eau et chauffée sur un feu allumé dans le sable, le thé coule par un long bec verseur et jaillit mousseux dans des verres délicats finement décorés…ils sont fiers de cette tradition, fiers d’offrir…
Le jour d’après, le guide s’arrête dans une palmeraie, arbres géants garnis de régimes de dattes, où un jeune garçon est en train de grimper pieds nus jusqu’à la cime pour la cueillette des dattes. Un jardin verdoyant brillant sous le soleil, des planches de légumes, carottes, menthe, coriandre, un système d’arrosage astucieux, des fossés creusés autour des plates-bandes, alimentés par des tuyaux reliés au puits, des barrages réglant l’arrivée de l’eau au fur et à mesure. L’ambiance n’a plus rien d’un désert, on aspire l’humidité, on se rafraîchit, on goûte des quartiers de pommes séchées, on achète des canettes de coca à un jeune garçon pour 300 ougouya…
Une autre oasis, un puits rond en pierre, des chèvres qui grimpent, gambadent autour, de la fraîcheur, une douche improvisée, repos sous les palmiers, lecture, dessin, sieste ou papotage, précieux répit dans un voyage fatigant…arrivée d’enfants sortis juste de l’école, chantant, tendant les mains, attrapant crayons et cahiers offerts, dessins, palabres, on ne parle pas la même langue, mais on se comprend…
Une cuvette longue et douce entourée de dunes. Sur la crête des silhouettes se découpent dans le ciel, font signe, appellent, des femmes et des enfants exposent des objets sur des tissus, colliers, bracelets, couteaux ciselés, chèches, pantalons brodés, ils négocient, insistent, marchandent en experts. Échange de mots, de gestes, de monnaie. A chaque étape, les gens se rapprochent, communiquent à demi-mot, se sourient…
La nuit tombe, tout est calme, dernier campement à la belle étoile avant le retour. Lune blanche ronde dans un ciel violet pur, lumière féerique qui teinte les dunes en couleurs étranges, orangé rouge puis brun et gris…la lune poursuit sa voie en descente…dernière nuit en sac de couchage, à écouter les bruits diffus du vent, s’endormir avec la musique dans les oreilles, notes de piano Chopin, Liszt ou Satie pour retrouver des émotions
Et elle se revoit dans sa ville de pierre et de bitume, des rues, des avenues, des arbres aussi à l’ombrage généreux, des parcs, des bancs pour se poser, écouter la musique sortant des cafés, admirer des parterres de fleurs colorées, boire l’eau de la fontaine, du bruit autour, mais aussi du soleil, des gens qui passent, des enfants dans des bacs à sable, une halte dans la traversée de la ville, des arrêts de bus, des abris, des arbres encore, des files de gens qui attendent, battant du pied, lisant un livre, regardant la montre, le bus arrive, ruée sur les marches, montées, descentes, encore une étape qui se finit…