#voyages | La halte

I

Le soleil cognait, l’endroit était désert — une route droite et fine engrossée tout à coup, deux terre-pleins poudreux sur chacun de ses flancs — midi en plein été, le bus venait de s’arrêter, nous étions descendus aveuglés par la lumière crue, heureux de la retrouver là, inondant une campagne herbeuse, plate, innommée, lointaine ou proche de Toulouse — qui le savait ? — par un effet d’optique l’horizon miroitait blanc comme la mer. En même temps que le bus — le choix de l’un devient aussitôt l’évidence de l’autre — une voiture s’était garée sur l’enclave d’en face, nos cris et nos paroles fortes s’ébruitaient jusqu’à eux — une jeune fille, un jeune homme, d’une vingtaine d’années — et s’ils s’étaient parlés ce qu’ils se seraient dit nous ne l’aurions pas su, malgré le filet de route qui nous écartaient peu, nous les uns, des deux autres. Le conducteur était sorti en premier de la voiture rouge, la portière était restée ouverte, il s’en était allé jusqu’au bout du terre-plein — une place où l’herbe jaune abruptement prenait de la hauteur — planté là, il nous tournait le dos. La jeune fille était sortie à son tour de l’auto, et avant qu’elle le rejoigne, d’un mouvement bref, il fit volte-face, shoota dans un caillou. En un bond, La jeune fille s’écarta de la trajectoire. Le caillou cependant atterrit à ses pieds, alors, du bout de sa sandale, maladroitement elle le poussa comme si c’était un jeu.

II

Dans la voiture, quelques kilomètres sans se parler, le soleil cognait, midi en plein été, lumière crue inondant ciel et terre. Il s’arrête sur le bas-côté d’une petite route, un bus stationne sur le terre-plein d’en face, il dit je refuse de continuer, éteint le contact, sort de la voiture, le sol est une terre sèche poussiéreuse sous son pas, le troupeau des gens du bus tout proche s’égosille, emplit l’air brûlant, il s’écarte tant qu’il peut — le simple filet de route ne l’éloigne de rien, ni d’elle, ni des autres — il bute sur un talus — herbe jaune froissée — qui lui barre le chemin, se retourne, elle approche, il crie N’avance pas et shoote dans un caillou mais il ne l’atteint pas. Il aurait tant voulu lui éclater la tête et s’enfuir en courant — ces gens, ces gens qui hurlent là-devant — et elle qui fait semblant de ne rien voir venir de cette colère brasier qui s’échappe de son ventre, du besoin de ses mains de lui tordre le cou, elle joue à la marelle avec le caillou.


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