#2 Arrivée dans la ville / De ce côté-là de la nuit…
Il a fallu prendre la direction de la mer, rejoindre l’aéroport, embarquer direction Paris Charles de Gaulle, se laisser soulever dans les airs depuis la poussée des réacteurs, voir Montpellier s’éloigner sous nos pieds, prendre ce visage inconnu, atterrir à Paris, marcher dans la foule en suivant les panneaux lumineux qui mènent au terminal 2 E, la carte d’embarquement dans la main, rejoindre la porte, nos places derrière les écrans où le globe terrestre bleu roi se tient prêt à se laisser traverser par l’avion blanc, la flèche qui le précède part de Paris, traverse l’Atlantique, passe au- dessus du Groenland et rejoint Los Angeles derrière le globe terrestre – Cette flèche-là, quand on la voit à plat sur une carte elle fait une courbe ce qui nous rappelle que la terre est ronde. – il faut tout ça pour rejoindre le sol de l’aéroport de LAX recouvert de son tapis de lumière dans lequel nous avons plongé depuis l’avion blanc qui a plongé avec nous sur l’écran depuis le vol AF 0076.
Il était 15h10 à Montpellier le 11 décembre 2021, il est 21h05 à Los Angeles, nous avons perdu 9 heures jetées au fil de la traversée, cette fois, nous foulons le sol de LAX, qui n’était qu’un désir, qu’un défilement de possibles sur l’écran, qu’un billet, qu’une place d’avion et qui s’offre à nous au meilleur de sa forme, multiplicité des lieux, des gens, des langues, des bagages…
Vers la sortie, nous poussons le charriot où repose 47 kilos de bagages, partout, le nom de la ville termine comme une particule, ce sur quoi mon regard se pose, y compris la porte des toilettes… Quand je me lave les mains, c’est comme une première fois, l’eau coule vraiment sur mes mains, c’est l’eau de LAX.
Dans la foule qui attend les voyageurs, Samim est là réellement, comme sorti de l’écran Watsapp, nous traversons le mur fait de portes de verres et le temps s’emballe derrière lui qui taille la route, nous marchons comme un seul homme, lui seul sait où il va. Nous traversons la rue, il fait nuit d’un petit carré de nuit mangé par les bâtiments de verre et de béton, les taxis phares allumés et lumineux de toit en service se frayent un chemin parmi les piétons et les charriots. Nous entrons dans un parking souterrain, en sortons par une voie qui s’élargit déjà en 6, nous roulons sur une des trois voies de gauche. Je le sais parce que je viens de revoir la vidéo.
Dans l’habitacle de la voiture, le petit sapin odorant nous donne la cadence sur une chanson de Massi Howaida, « Bada, Bada » pendant que Daoud et Samim se donnent des nouvelles de la famille, dans les bains de lumières rouges et vertes des feux de signalisation. Je trouve miraculeux, le boyau d’arbres sombres qui émerge de la nuit devant le défilé des hautes murailles de verres. Et déjà la route devient celle aux panneaux verts que la voiture jette derrière elle, nous prenons la direction de Santa Monica, parfois la ville surgit sur la gauche, sur la droite, en tours, en cubes de lumières, nous avançons jusqu’au plus profond de la nuit où dort dans sa périphérie le quartier de West Hills et le chemin de Sherman Way qui mène à la maison devant laquelle nous venons nous arrêter. Là aussi, c’est Los Angeles, ces avenues larges et calmes où les panneaux des rues sont suspendus au-dessus des voies, où les lumières des guirlandes de Noël ont remplacé les lumières de la ville, où demain circuleront les bus à étages qui mènent à « downtown ».