On s’est posés quelques heures à cet endroit de la route, entre parking et terrain vague, on savait pas trop quel nom lui donner à cette partie du monde où les traces de pneus et les déchets abandonnés par nos prédécesseurs sont de meilleurs indicateurs que n’importe quelle pancarte homologuée par l’administration des routes et chemins. On a regardé alentour, maigres bosquets, petit sentier qui bifurque avant une cabane branlante qui peut bien abriter quoi ? une vielle charrue et un pauvre assemblage d’outils d’un autre temps ? des engins de chantier du siècle où tout se faisait à sueur d’homme ? des étagères où finissent de sécher oignons vieux jambon et quelques graines pour la saison prochaine ? On en saurait rien, la porte verrouillée par le cadenas trop brillant signifiait « no pasaran », on a repensé à la guerre, aux libertés et aux élans du cœur et de l’âme, on a contourné la bicoque pour aller pisser à l’écart des regards indiscrets. Puis on est repartis, claquement de portière sur sacs poussiéreux et godasses fatiguées, les joues un peu rosies du vent mauvais qui s’était levé le temps de regarder le ciel en mangeant pomme et bout de pain un peu dur, derniers vestiges d’un pique-nique d’il y a déjà trois jours. La route serait encore longue, autant que la journée et le reste de nos pensées.
Au creux du petit vallon il y a cette rivière toute douce et tendre, en bleus et verts d’eau vive, qui serpente et s’arrondit autour d’une petite étendue d’herbes drues planquée à l’ombre des noisetiers. Feuillages bruissants sous le soleil de fin d’été, ciel profond et horizon dégagé vers le sud où on apercevra bientôt la mer, on s’arrête pour reprendre souffle et calmer soif et faim, de manger et de s’aimer, une dernière fois en pleine nature avant le retour à la ville. C’est le dernier jour des vacances on étire le temps, on savoure la pause comme une conclusion au voyage qui s’achève, chaque fois on s’arrête là depuis le premier retour il y a si longtemps c’était avec parents et frangins j’avais huit ans je m’en souviens comme du dernier bain hier sur la plage de Pors Callot. Maintenant il faut rentrer mais là dans ce virage sous la dernière colline de ces Monts d’Arrée où la lumière est si fine on repense à l’enfance la vie qui s’est écoulée depuis et comme le ruisseau qui glisse entre nos doigts et nos regards de presque anciens déjà on sourit au passé on prépare l’avenir qui est de repartir pour l’an prochain revenir, c’est sûr.
et je frissonne de nostalgie, de confiance, de plaisir à la lecture du 2ème texte, si doux et si profond. C’est surement le contraste avec le 1er texte un peu en déshérence qui augmente sa valeur. Ces deux textes vont si bien ensemble