- Où commence t-elle – la ville? Arrivée jour penché du côté de la vitre – voir seulement les morceaux découpés par les angles de la vitre – le couloir du bus, endormissement – réveil en sursaut par un arrêt, – premier arrêt, ça stationne un moment – descendre un peu – froid, buée sur les vitres, – regard panoramique , un ensemble de carrés posés les uns sur les autres, les uns à côtés des autres, pas d’entrée , on ne les voit pas, tout ça semble hermétiquement clos, le temps de regarder quelques silhouettes marcher , dans le même froid, sortant de nulle part, dans cet univers de béton et de verre, les panneaux -centre ville – gare- parc – hôtels – arrêts de bus – numéro des bus – noms des arrêts : chercher le mien, pas le temps, remonter vite, encore 1 heure de trajet, le temps de se rendormir, de sortir un plan de la ville – en arrivant, une place surgit, respiration, les modules sont loin, il en reste ici aussi, ils sont arrivés jusque là, les silhouettes peuvent sortir maintenant des portes d’immeubles, mais personne n’en sort – personne n’entre. Hôtel. Attentif aux points cardinaux – attentif à une enseigne de restaurant, à une terrasse de café. La ville étrangère ce que j’en vois se réduit à n’être plus que cette rue de l’hôtel et la place au bout, avec un carrefour giratoire, sur la place une statue – un homme drapé simulant la course portant un flambeau et un rouleau dans son autre main tendue – il est en déséquilibre. Passé une frontière, un affairement indistinct, des rumeurs, un bruissement équivoque, indiscernable, il y a point d’où irradie la rumeur, elle se propage, le téléphone sonne. Le réceptionniste répond donne des indications, note quelque chose. Il ne pense pas au trajet. Il envisage le trajet ce soir dans la ville : centre ville maisons du 17ème, il y a un fleuve, le journal traine sur une table, il essaye de déchiffrer quelque chose, les images, quelque chose le retient, le nom d’un village, il y a une photo, il s‘est passé quelque chose : on voit un homme devant une sorte de grange, des outils jetés en vrac, – il trouve le village sur le plan , c’est là qu’il ira demain ou après demain, la photo et le nom du lieu lui on ouvert une fenêtre, une façon de s’évader encore. Cette photo lui en rappelle une autre, il croit y voir un point commun qu’il ne saurait nommer. Mais a-t-il besoin de nommer? Ce simple signe n’en appelle-t-il un autre – une sorte de travestissement bien obscur mais d’où émane pourtant une sorte de point lumineux, bien éloigné mais tenace.
2. On y arrive par une grand-route. On roule au moins 30 minutes à 20 à l’heure, curieux, comme cette route ressemble à celle de la ville de départ – une seconde la ressemblance est presque parfaite, – cela ne donne pas plus ou moins de vérité au voyage – la question de savoir où on est : quand on verra la fin de la route et qu’est-ce qu’il y a au bout. Cette ville,c’est Sienne. On longe la route, de chaque côté – des pans de murs, derrière, des habitations de pierres anciennes, sans âge, sans regard, murs aveugles, mystère complet – juste le nom de la ville – Sienne – la ville de Sienne, et répétition du nom « Sienne », on roule vers Sienne, bientôt Sienne. Les couleurs sont incertaines seulement des possibles : un coucher de soleil? Un temps lourd et gris? Comme cette ville m’est totalement étrangère, je ne me forme aucune image, la rue pour arriver en sens unique, dénuée de panneaux, dénuée même d’entrée, de porche, de fenêtre, c’est opaque, juste la ressemblance avec le lieu quitté – juste un peu plus d’amplitude, l’amplitude marque la différence. C’est seulement en arrivant que cette route semble avoir sa réalité, il n’ y a personne, pour signifier : vous êtes à Sienne, voici le programme. On pourrait le souhaiter, on ne sent jamais autant étranger de façon condensée, mais est-ce un signe, un avertissement ? O voyageur du soir, tu arrives à la nuit, tu vas trouver tout de ce suite le lieu où tu as réservé pour dormir, tu aurais tout prévu ? Dormir ici à Sienne sans la voir vraiment, première nuit – je te fais attendre – je ne me dévoile tout de suite – prends patience – tu es neuf ici – combien de temps ? quelques jours, je te laisse repenser à cette décision de rester ici précisément – 4 – 5 – 6 jours ? C’est une question, tu penses à rallonger ton séjour ? Tu sens qu’il ne faut pas tricher. La prophétie de Sienne s’accomplit. Je trouve le logement tout de suite, il est au bord de la Piazza del Campo – et la chambre ornée de stucs – de putti, respire et chante dans la nuit. Son chant me porte vers l’extérieur, non je ne peux pas attendre, sortir- du bord de la Piazza, je gagne à quelque pas un point d’observation – le point d’observation du voyageur naïf, devant s’étendent les dalles en arc de cercle, les bâtisses – la demi-circularité du lieu – la forme des dalles finissent en ovale dans la ligne de fuite – la perspective devant : une lumière – une seule dans un appartement, un homme – seul de trois quart regarde vers l’intérieur – il ne me voit pas, il est éloigné, mais l’espace donne sa légèreté, rien ne pèse, je n’ai rien dit – je reprends le chemin du motel – je rentre dans la nuit – le lendemain, je reprends exactement le même point d’observation, mais cette fois devant un café. J’ai le temps, les tables sont installées – j’attends que la ville se mette en place, apparus, quelques passants matinaux – il est sept heure du matin. La Piazza del Campo a une forme de coquillage, de coquille Saint-Jacques – sa partie supérieure s’est volatilisée – il ne reste que son fondement, sur lequel on pose les pieds. La ville de Sienne me donne un indice, « Tu as choisi sans le savoir directement mon cœur, tu as atterri dans mon centre vital, qui serait aussi ton centre vital. Tu comprends maintenant mieux : le chemin d’hier, tu coulais dans mes veines, dans le flot de mon sang vers mon cœur – il te fallait le temps. Maintenant : quel sera ton parcours ? Après cette respiration ? Encore une fois, tu as choisi – tu as compris : tu devras marcher dans la ville – entrer dans ma cathédrale, mes musées, mes restaurants avec toujours cette idée : la Piazza del Campo et où que tu trouves, écoute ton cœur – ton cœur, c’est la place ». Alors, je marche, j’entre dans les musées, la cathédrale, les chapelles, je trouve un restaurant – toujours le même de l’autre côté de la place. Les nourritures sont symétriques, les passants sur la Piazza del Campo respirent , aussi dans ce poumon de pierre – le temps vole – la ville s’envole.