Double Voyage #1 la nuit d’avant


Cette nuit serait toujours une nuit d’avant quelque-chose – d’avant quelque part – une nuit dans un cycle. L’hôtel. Un silence quand je rentre . Personne. Est ce que je prend ma décision. Quand? Je regarde autour indifférent. Quelque-chose en moi sait . Quelque-chose me dit déjà le trajet. Pas la destination . Je peux mettre des noms sur une destination : par exemple Afrique – Sénégal – Dakar. Nom de rue – Par exemple : une île au large du Sénégal – Mauritanie : un site, une ville Tombouctou. Par exemple Brésil. Je peux mettre une borne imaginaire ici : Paris. Un pont . Une façon de le passer. Je veux ne garder que le strict nécessaire, voyager léger, choisir encore, tel vêtement plutôt que tel autre, trier, encore des choix à faire, choisir un train, une gare, partir plutôt vers le nord, Pas-de -Calais, mer Baltique longer les côtes vers Gdansk, puis Finlande, Suède, Norvège, une fois en Norvège passer en Islande – Ou bien non redescendre, vers l’Afrique. Depuis la chambre d’hôtel, un mouchoir de poche de quelques mètres  carré, les immensités de glace ou de sable, remplissent chaque fibre, chaque molécule d’oxygène est habitée par un projet, c’est incommensurable, vertigineux. Je regarde les liasses de papiers dans un dossier, je n’allume pas l’ordinateur, dedans, il y a d’autres histoires, pour être lues. Celle-ci commence nulle part, si je les abandonne elles auront encore une chance, l’histoire que je pourrais raconter alors, ce sera autre chose, c’est peut-être ça : pour raconter cette histoire.La nuit d’avant et je ne sais pas quand elle commencé, cette nuit, on dirait qu’elle a toujours été là, la nuit d’avant celle-ci, je suis allé l’écouter, on est rentré tard, on s’est couché ensemble dans la même chambre, elle a trente cinq ans, moi 58 je ne sais plus comment j’ai pensé aux jours suivants, elle tout les soirs sur la scène du Bar, moi prenant mon poste comme prévu. Elle repartant bientôt et moi restant ici à attendre qu’elle revienne. J’ai ouvert la fenêtre il faisait encore froid, il neigeait même. La poignée de la fenêtre a résisté à cause du froid. J’ai vu la cour en bas, l’arbre pelé. Les liasses de papier entassé, si je les laisse, je me suis demandé, est-ce qu’elle les lira ? Et alors ? je reprends le trajet. Et qu’est-ce que je garde ? Bottes fourrées, gants, bonnet, porte- cigarette, porte feuille, lunette de soleil, jean, un carnet d’adresse, celui que j’ai acheté tout neuf il y a une semaine en moleskine. Rien dessus, aucune adresse. Pourquoi faire  Noter des adresses, des téléphones ? Disparaitre sans laisser aucune trace derrière moi, ne plus rappeler personne, ne plus savoir où ils habitent – prendre une billet de train pour une ville dans le nord. Celui qui attend le matin, je l’ai reconnu, je le vois là jouer aussi dans une pièce, on dirait que ces textes se défont, que la vie qui a dû les habiter s’en va doucement, que des lambeaux de passé reviennent transformés.