L’autocar pénètre la grande ville, la mégapole, la ville la plus… la plus étendue la plus peuplée la plus dangereuse. Grande route cahoteuse, à travers la vitre maculée, je bois la ville mes yeux attrapent tout ce qu’ils peuvent attraper, le semblant de trottoir pierreux, le semblant de maisons les armes des piliers de béton tiges en l’air, le semblant d’air saturé de gaz d’échappement de scories de cheminées d’usine de poussières, le ciel blanchâtre harassé de soleil cuisant et les habitants assis par terre déambulant dos voûtés sous les charges chaussés de souliers éculés crevassés criollos aztèques mayas nez prononcé sculpté peau cuivrée cheveux de jais. Je bois la ville, mais ce n’est pas encore la ville, c’est sa banlieue pétrie de hasards de maisons à un étage de cahutes au toit de tôle ondulée ou de bâches alourdies de parpaings, pas de pavement nids de poules rigoles flaques puanteur câbles électriques araignées carrioles à bras à pied réservoirs eau essence friture rance tamales roboratifs cigarettes à l’unité bonbons à l’unité lunettes de soleil jouets criards. 20 millions d’habitants. Enfin sur les pavés noirs luisants, la ville poussée par les édifices de l’époque coloniale se regroupe autour de la cathédrale place du zócalo palais présidentiel conquistadors Tenochtitlán. Je suis arrivée à Mexico.
On devrait écouter les gens qui savent… Mais que voulez-vous l’impatience poussait trop fort et j’ai pris l’avion direct pour La Paz… en survolant la ville, j’étais toute à ma joie, émerveillée de découvrir l’altiplano bolivien bordé de la cordillère des Andes et en contrebas la capitale ses buildings orange et blanc ses maisons accrochées aux flancs de montagne un stade tout vert quelques arbres paumés. Hâte de me rapprocher,
de toucher cette terre aymara chicha coca chaman.
Arrivée à l’aéroport en travaux, entre bâches transparentes sacs de ciment et courants d’air, je me sens vaciller, tête en étau, souffle court, mes côtes se resserrent, j’étouffe, je voudrais arracher mes poumons de leur cage, je suffoque, je ne peux parler, sifflement rauque (réminiscence des crises d’asthme de l’enfance). 4 000 mètres d’altitude, mon corps ne supporte pas, oxygène ! oxygène ! On m’engouffre dans un taxi direction l’hôtel, à l’arrière je n’en mène pas large mutique, regard inquiet du chauffeur dans le rétroviseur, je ferme les yeux, je me concentre, j’essaie de respirer lentement, mon cœur s’affole, je dois avoir l’air d’un poisson hors de son bocal bouche ouverte, yeux mi-clos j’entends la ville, embouteillages, feux rouges, invectives, insultes, deux-roues pétaradants, arrêts brutaux, et maintenant nausées. A l’hôtel on me donnera un masque à oxygène en m’allongeant sur le lit où mes larmes couleront sur mes joues brûlantes
¡ Bienvenida en la ciudad más alta del mundo !