Cette nuit serait toujours une nuit d’avant quelque-chose d’avant quelque part une nuit dans un cycle. L’hôtel. Un silence quand il rentre . Personne. Est ce qu’il prend sa décision. Quand? Il regarde autour indifférent. Quelque-chose en lui sait . Quelque-chose lui dit déjà le trajet. Pas la destination . Il peux mettre des noms sur une destination : par exemple Afrique Sénégal Dakar. Nom de rue -Par exemple une île au large du Sénégal – Mauritanie un site une ville Tombouctou. Il n’a que des fragments : il entrevoit des courbes, des lieux, mais sans valeurs, de la grisaille un peu uniforme, jamais une plénitude, jamais un lieu repérable, dans sa chambre d’hôtel il marche pied nu, il touche le sol, la moquette, ici ici le carrelage de la salle bain plus froid. Ça le remet ici dans la nuit d’avant, il jette e un coup d’œil sur l’arbre dans la cour, ça lui fait pensé à des clichés de voyages. Il faut bien dormir un peu.
Par exemple Brésil. Il peut mettre une borne imaginaire ici : Paris. Un pont . Une façon de le passer. Il peut ne garder que le strict nécessaire, voyager léger, choisir encore, tel vêtement plutôt que tel autre, trier, encore des choix à faire, choisir un train, une gare, partir plutôt vers le nord, Pas-de -Calais, mer Baltique longer les cotes vers Gdansk, puis Finlande, Suède, Norvège, une fois en Norvège passer en Islande – Ou bien non redescendre, vers l’Afrique. Dans la chambre d’hôtel, un mouchoir de poche de quelques mètres carré, les immensités de glace , remplissent chaque fibre, chaque molécule d’oxygène est habité par un projet, , c’est incommensurable, vertigineux. Il regarde les liasses de papiers dans un dossier, il n’allume pas l’ordinateur, dedans, il y a d’autres histoires, pour être lues. Celle-ci commence nulle part, si il les abandonne elles auront encore une chance, l’histoire qu’il pourrait raconter alors, ce sera autre chose, c’est peut-être ça : pour raconter cette histoire.La nuit d’avant et il ne sait pas quand elle commencé, cette nuit, on dirait qu’elle a toujours été là, la nuit d’avant celle-ci, il est s allé l’écouter,il est rentré tard, on s’est couché ensemble dans la même chambre, elle a trente cinq ans, moi 58 il ne sait plus comment il a pensé aux jours suivants, elle tout les soirs sur la scène du Bar, lui prenant mon poste comme prévu. Elle repartant bientôt et lui restant ici à attendre qu’elle revienne. Il a ouvert la fenêtre il faisait encore froid, il neigeait même. La poignée de la fenêtre a résisté à cause du froid. Il a vu la cour en bas, l’arbre pelé. Les liasses de papier entassé, si il les laisse, il s’est demandé, est-ce qu’elle les lira ? Et alors ? Il reprends le trajet. Et qu’est-ce qu’il garde ? bottes fourrées, gants, bonnet, porte- cigarette, porte feuille, lunette de soleil, jean, un carnet d’adresse, celui qu’il a acheté tout neuf il y a une semaine en moleskine. Rien dessus, aucune adresse. Pourquoi faire Noter des adresses, des téléphones ? Disparaitre sans laisser aucune trace derrière lui, ne plus rappeler personne, ne plus savoir où ils habitent – prendre une billet de train pour une ville dans le nord. Celui qui attend le matin, il l’a reconnu, il le voit là jouer aussi dans une pièce, on dirait que ces textes se défont, que la vie qui a dû les habiter s’en va doucement, que des lambeaux de passé reviennent transformés.
Rien ne traine, la maison est déjà vidée de sa substance, le moment du départ et celui du retour sont alignés dans cet ordre tranquille, presque comme une question, la question du où ça, comment ce sera, l’espace questionne : regarder bien autour de soi, cet ordre pourrait proliférer hors des limites du lieu, un ordre mis pour le départ, qui est un ordre différent, : les attentes, les rencontres, les visages les présences, les absences donnent ironiquement une réponse, mais c’est bien ici ! Se dire : j’arrive à projeter le moment du retour dans cet espace : parce que j’ai le temps, si je part dans un dans endroit parfaitement inconnu si je retourne quelque part, l’ordre n’est le même, la pièce ne sera pas inhabitée de la même façon. Si je m’attends à voir des visages humains ou si je pars dans un endroit désertique ne serait-ce qu’une journée. Si je prends un appareil photo, si pendant la nuit, le témoin de la veilleuse du chargeur est rouge toute la nuit et propage une pâle lueur, si je me lève au milieu de la nuit, fait le tour de la pièce, m’assoit dans un fauteuil, me relève en guettant l’heure et en faisant le compte à rebours du temps qu’il me reste à dormir, ou à vivre ici encore , alors que rien mais alors plus rien n’est vraiment fonctionnel, maintenant que les bagages sont prêtes. Si j’ai le sentiment de creuser un vide sans attendre autre chose et laisser faire, si le départ au petit matin comme si le voyage n’avait pas de fin, les sons, les vibrations, le bruit du frigidaire, les thermostats du chauffage, le froid de la nuit. Si je pars dans une ville où l’on parle une langue étrangère, la musique de la langue j’essaye de la faire familière. Le moment de décrochage alors il n’y a plus rien, une sorte de calme.
Isabelle, c’est vraiment fabuleux ce que je viens de lire. Le thème du voyage me repousse, je ne sais comment le contourner, mais ces deux textes m’ont séduite. Oui, ça, je veux lire ça, encore. Trouveront-ils place dans Vivre ? C’est là que j’ai envie de les situer. Merci.
complètement d’accord avec Anne… magnifiques textes qui dessinent le flou qu’il faut autour du récit, amorce une attente, commence par « Un silence quand il rentre » et qui termine par « une sorte de calme »
ça nous remplit de quelque chose d’indéfinissable et c’est bon ça…
et puis c’est tellement juste « la maison vidée de sa substance » déjà au moment du départ, comme si tout s’était déjà arrêté dans l’idée du partir…
merci infiniment Isabelle
merci Françoise, oui Anne je vais les insérer dans Vivre et au fil des consignes de François sur ce « double voyage » sur lesquelles je compte m’appuyer…
belle journée à vous
A bientôt
Anne merci de ton retour