Comme ici, maintenant, assurant que si il est hors de question d’aller explorer mes bas-fonds, je sais de bonne source qu’à jouer, jouer, jouer on oublie qu’il fallait d’abord écouter, écouter, écouter, et d’abord entendre, entendre, entendre. Trop tard à présent: les sérieuses pertes auditives s’aggravent du gaucher bègue que je reste.Cette dernière phrase est pure vérité.
Il entretenait une illusion, aussi vieille que lui : cette idée saugrenue que même s’il entrait dans des catégories qui l’étiquetaient, il avait en lui une part de liberté, une marge de manœuvre.Il confondait la liberté qu’il n’avait jamais eu avec l’entêtement qui le possédait toujours, les choix qu’il n’avait jamais fait avec sa bête obstination. Toujours, il avait su, avec plus ou moins d’habileté, mélanger le faux au vrai, compliquer le réel par l’invention, faire se confondre la dureté des faits avec les douces aigreurs de l’imaginaire. Et même quand il se mit à oser la fiction, à faire un livre, le double Je(u) de ses méta-textes transformait son roman en non-fiction, sa fiction en vie, accréditait une identité nouvelle, l’enracinait même quelque part et allait jusqu’à faire croire à ses proches qu’il était héritier d’une maison, dans un village, dans une île. Son Je(u), pastiche, hypertexte sur un personnage de roman, héritier du Dupin de Poe, Sherlock Holmes, affirmé comme personnage historique, n’est crédible que par ses seules notes de bas de pages. Je, lui même, doute sans cesse de ce que Il raconte. Mais plus Il avance dans le récit, plus Je enquête, souligne, précise, crédite, valide. Au final, l’œuvre offerte n’est qu’une manipulation à laquelle son auteur finit par croire puisqu’il en est, de son être là, la preuve vivante. Et le Je(u) se perd dans l’Îl(e), là justement où, se fabriquant, Il se (re)trouve.
Ah l’habile Ulysse aux mille ruses ! Très joli texte !