De ses dix-sept ans il ne se souvient de rien sauf peut-être de cette nuée d’or qu’il aperçut un matin de novembre derrière la vitre du train qui l’emmenait en Flandre ce fut une vision fugace tel un éclair sur l’écran monotone où défilaient de longues plaines écrasées de cieux d’anthracite soudain une ramée l’éblouit des peupliers travestis telles des filles de Klimt rutilaient de gemmes avant qu’une bourrasque ne les effeuille les abandonnant pantelants et nus de cette nudité qui vous désole il a gardé en lui les précieux Louis comme ceux que l’on serre au fond de vieilles armoires et qui le temps d’un matin au creux de votre main vous font princes de sang depuis chaque automne son précieux trésor lui rappelle la route des Flandres il lui arrive encore de peindre un aplat bleu de Prusse sur lequel il disperse négligemment quelque poussière d’or il se repait de la flamboyance de ces oripeaux de pacotille avant qu’elle ne s’éteigne sous la veille d’une lune pleine qui le suit lui et lui tout seul dans cette petite voiture où la nuit se répand telle une bile noire recouvrant une campagne empesée d’un deuil dont il se console en dessinant sur la vitre humide d’un doigt encore malhabile de petites étoiles qui s’écoulent en timides larmes puis de sa main lasse il se tient à la haute baie derrière laquelle dans l’embu de ce matin sale un arbre grave balance ses longs membres gourds car la lune hâve s’y raccroche avant de se noyer dans la pâleur de ce matin exsangue déjà la grasse brume englue les cendres de sa nuit celles-là même qui s’immisçaient au creux de son insomnie la nuit fut longue et blanche il ne souvient plus de rien de rien.