Née un dimanche juste après le repas de midi. Plutôt sage. Babillé, parlé tôt, pressée de marcher, remuante, cascadeuse, sautant, courant.
Première née, aînée de la fratrie, tu donneras le bon exemple…
Appris à lire de bonne heure, me suis tenue tranquille en lisant, dévorant tous les livres de la maison, même ceux du fond des tiroirs, interdits. Aimé apprendre. Bonne élève, mais en fin de compte pas enchantée par l’école-carcan normée, pas d’échange, juste suivre, pas douter, pas poser de questions.
Fait de la gym, couru, sauté, nagé, grimpé aux arbres, fait du ski, chaussé des patins à glace, souvent dehors à bouger, promener, marcher, dans les rues de la ville, sur les chemins de campagne, aimé le soleil, le vent, la pluie, l’orage et la mer.
Bercée par la valse, la valse à trois temps, la valse à douze ans, la valse vers l’avenir… dansé, chanté, fait de la musique, du piano aux notes claires et limpides, rencontré Beethoven au clair de lune. Aimé ma ville, mes études, les musées, les cinémas, les voyages. Partie, revenue, repartie et encore repartie.
Partie ailleurs. Changé de pays, de langue, de littérature, de cuisine, de nom, de statut, après fille de, devenue femme de, mère de, changé de métier, de paysage, suivi le mouvement plutôt que le décider, me suis adaptée avec une docilité étonnante, avec bonne volonté et aussi bonheur. Recréé une famille en pensant à celle que j’avais laissée au loin.
Aimé la famille, celle d’avant, celle de maintenant, créé des liens entre les générations, entre les pays, écrit des lettres, donné des nouvelles, reçu des lettres donnant des nouvelles. Fêté des anniversaires, des mariages, des naissances, pleuré les absences et les disparitions.
Travaillé, organisé, animé, tenté de refaire le monde, de créer des liens, de garder des liens.
Encore et toujours voulu être autre, avoir d’autres vies, d’autres talents, d’autres ailleurs. Voulu essayer, oser. Passer outre. Rebelle, mais pas tant que ça. Ces liens apprivoisés, ces liens si précieux, enserrent, accrochent, maintiennent. Balises, étreintes. Freins et stimulations. Pas de fuite, mais de l’esquive. Chercher une voie.
Puis, un jour, voulu écrire, dessiner, peindre, en pastel et en couleur, apprendre autrement, ne plus demander pourquoi, tout le temps pourquoi, ne plus dire si ou on aurait pu, ne plus remâcher le passé, accepter, marcher, avancer, chercher, prendre son temps, inventer, rêver
Advenir à soi !
C’est le chemin,
Catherine Serre
Avancer pour se trouver! Le chemin et les nuages, le réel et le rêve, garder les pieds sur terre et s’envoler quand-même…
Merci, Catherine, pour vos mots.
Tout en mouvement et en pudeur pour arriver enfin au rêve sans point final! Très beau texte.
Merci, Chrystel, pas toujours facile de se dévoiler sans se mettre à nue…nuée, nuage, allez, on rêve encore un peu…