Le vaste hall dans l’aéroport avec les boutiques, les cafés, les chariots débordants de bagages étaient semble-t-il, dépourvu de voix humaine. Les voiturettes des agents de nettoyage se frayaient un passage quelquefois en klaxonnant. A part leur présence sonore plus que sensible, tous les autres bruits étaient comme assourdis par un incessant murmure inaudible. D’énormes panneaux signalétiques suspendus loin au-dessus de nos têtes permettaient l’orientation des voyageurs et accompagnants. Ceux-ci se déplaçaient selon différentes trajectoires comme colonies de fourmis par bandes affairées et apparemment sans accrocs notables.
Un peu plus loin, de longs couloirs de tubulure en U redoublés à l’infini contenaient une foule serpentine qui piétinait. En attente avec sacs et valises dont on entendait à peine le bruit des roulettes lorsqu’elles se déplaçaient d’un pas ou deux. J’étais dans un de ces couloirs. Au milieu d’une cohue très organisée et patiente. A la main, nos papiers que nous aurions à présenter lorsqu’ arrivés devant les hôtesses, il nous faudrait enregistrer nos bagages.
Beaucoup de monde et un petit chien dans un chariot qui ne jappe pas. Des bruits et paroles feutrées dont on ne devine pas, même oreilles tendues, ce qui se dit. Les gens riches ne crient pas en public. Ils se parlent calmement en chuchotant comme au musée. Leurs enfants aussi sont polis, tranquilles. Etonnant, peu de téléphones consultés et qui sont rangés rapidement.
Mon regard circule dans cet espace en creux, erre à la recherche d’un quelque chose qui accrocherait. Et je les aperçois. Et reviens vers eux. Une femme, un homme comme hébétés. Ils ne se regardent pas. Ils ne se touchent pas. L’un devant l’autre, les corps légèrement de biais. Un vide entre eux de presque un mètre. A la vue. Seulement à la vue car leurs corps semblent aimantés et figés, tendus à l’extrême, comme en fusion. Je détourne les yeux, interdite par ce désir qui ne peut pas se contenir. Sans un geste, sans un mot échangé, cet espace clos sur eux. Ils ne peuvent se dire je t’aime. Ils suffoqueraient s’ils essayaient, ils risqueraient de pleurer, de mourir peut-être. Les corps crient pour eux. Ils auraient envie que ça s’arrête ce désir, d’être délivrés du trouble intense qui les a saisis. Ce désarroi devant tant de désordre des sens. Confuse, je ne peux les regarder plus longtemps. Ils ont l’air si démunis devant ce qu’il leur arrive. Le rouge aux joues, je me retire, porte mon regard de nouveau dans la file d’attente.
C’est très touchant ce portrait du désir surtout dans un aéroport. Cela n’est pas si souvent, en général, nous sommes dans une gare.
Merci beaucoup et bon weekend.