dialogue #05carver III -oui

C’est à l’arrêt du bus. Elle lit. L’homme s’avance et lui demande si elle veut bien venir.
— Avec moi.

L’accent. La voix. Après elle lève les yeux. Elle le voit.
Lui.
— Oui.

Ils marchent. Une rue derrière la gare. Une femme vend de la menthe sur un carton.
C’est encore loin d’ici la nuit.
Juin.

— La 36.

—Oui. Merci.

Lueur jaune de l’applique et les marches pleines d’ombre; le tapis de l’escalier se déchire. Trois étages. Sur la porte on voit l’empreinte, la trace grise du six, le trois en laiton a noirci.
La clé comme d’une armoire ancienne tourne à l’envers.
Dedans par la fenêtre les toits.
Le ciel d’en haut. Et toutes les photographies éparses sur le plancher; et sur le lit comme un tapis.

— ce sont vos images…

Les rideaux. Le rose a pâli.

— Ne fermez pas 

Il se déshabille. Elle retire sa robe. Un jour très blanc frappe leurs corps. Elle lève les yeux. Elle le voit lui. Son corps. Ce visage. Rien. Ni personne comme lui.

— Oui

Lui comme un flux. Un mouvement. Elle pose ses mains.

— Laisse moi vous regarder

Elle glisse ses mains. Long, sur lui.
Dans leurs yeux ouverts on voit leurs visages.

— Oui

Ils jouissent. L’un. Après l’autre. Ils se reprennent. Ils jouissent.
Après ils dorment peau contre peau.

C’est quand elle va fumer une cigarette à la fenêtre que le livre tombe du sac. L’air entre. La ville bruit. Presque nuit. Quelqu’un crie en bas. Les postes de télévision avec des voix. Un camion.

Il prend le livre. Il lit.

Vous

Il lit.

—Vous oublie…rez

Il n’entend pas la porte se refermer.

sur Dialogue 5 essayé de faire une tentative par jour

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

4 commentaires à propos de “dialogue #05carver III -oui”

  1. Quelque chose de magnétique et de sur(prenant) réalisme. Comme si du livre tombé s’échappaient Breton et Soupault. Merci Nathalie Holt.

  2. Oui! En très peu de mots, vous créez une atmosphère, c’est fascinant de vous lire. Merci.

  3. Beaucoup serait à dire et beaucoup sera pudiquement tu… Allez, je me concentre sur l’impression d’escalier par la mise en page particulière des fragments de dialogue… On monte, on descend avec elle et lui, on peut avoir ainsi le cœur qui bat aussi…