Musique
Le chœur. – Voyez Médée s’avancer vers Créon, arrogante, menaçante. Il lève le bras droit dans sa direction à l’intention des soldats et se couvre du même geste avec son manteau. Ses lèvres frissonnent, il redoute les paroles, il refuse d’entendre. Les soldats, en hurlant, font signe à la Colchidienne de reculer ; l’ordre, terrifiant, jaillit comme un jet de pierres. Elle les brave du regard et refuse de se taire. Regardez les flammes rugissantes tanguer devant nos yeux. Dans un frémissement, les paroles de Créon éclatent une par une, légères comme des bulles de savon, remède dérisoire à l’incendie qui s’attise tout seul devant le pouvoir injuste des rois. Malheureux les exilés qui viennent supplier un dernier recours sans même connaître la faute qu’ils ont commise, la raison de leur disgrâce. La femme outragée ose s’approcher davantage et touche en murmurant les genoux de Créon de sa main pour implorer une dernière fois sa protection. Le torrent s’arrête, les vents se taisent, les oiseaux cessent de chanter. Créon recule, il se raidit. Les mots de Médée transpercent l’air comme des flèches, ils sont tranchants comme l’acier et vif comme le sang. Le roi, pour se défendre, lance la première chose qui lui vient, aussi inconsistante qu’une couronne de mousse qui voudrait briser un trait aiguisé. Il sait qu’il trahit les lois de l’hospitalité, il sait qu’un décret inique condamne à une errance sans fin. Des moires sombres sortent de sa bouche, on voit dans leurs miroirs ondulants Acaste, Iolchos, la Thessalie. Mais les rayons brûlants du soleil anéantissent aussitôt ces fragiles reflets. Médée, furieuse, se dresse, elle envoie sa riposte comme des boulets de bronze lancés un par un ; ils arrêtent leur course dans l’air vibrant du matin et se figent dans la lumière rouge : Je suis coupable, Créon, mais tu savais que je l’étais. Le bruit de leur chute fracassante résonne encore longtemps contre les grilles dorées du palais.