L’enclos de la Fabrica est en feu en ce début d’après-midi. Sur l’un des étroits bancs qui longe la paroi vitrée du hall, Sophie, penchée sur les quelques feuilles de Libération vouées au festival se maudissait d’être arrivée avec si grande avance et tentait de comprendre ce que lui réservait ce « Fraternité, conte fantastique » qu’avait choisi son ami. Elle n’a pas fait attention à la femme qui vient de s’asseoir à côté d’elle
- Mais qu’est-ce que tu fais là ma chérie ?
Elle tourne la tête, et le visage si proche la frappe en même temps que le timbre de la voix
- Oh ! Maman ! – elle reprend son souffle – et toi ? Tu avais déclaré que cette année tu ne voulais pas… et le trimaran ?
- C’est annulé. Et toi ? Tu devrais être avec ton père chez sa femme..
- ben non… c’est vrai, je ne t’ai pas dit, je crois, cet hiver je me suis inscrite à un atelier de théâtre et tu sais je crois…
- oui tu ne me l’as pas dit ni écrit… tu n’écris
- toi non plus. En fait dans le groupe on a décidé, plusieurs quoi.. et papa était d’accord, Mathilde aussi.
Sourires – elles regardent toutes les deux devant elles, les personnes qui franchissent la grille après avoir montré leur passe, que les tee-shirts rouges stoppent pour vérifier leur billet et leur donner un bracelet permettant de sortir à l’entracte, qui s’avancent ensuite en cherchant un coin d’ombre.
- vous couchez où ? Si tu veux…
- C’est gentil Maman mais trop compliqué pour toi, partons dans tous les sens.. nous campons à la Barthelasse
- tu squattes une tente
- je la partage plutôt… avec une amie que tu ne connais pas
- tu l’attends ?
- Pas elle, je crois qu’elle allait au Chapeau Rouge… un garçon, Jacques, il sait ce qu’il faut voir ou ce qui me plaira
Un couple vient s’asseoir à côté de Sophie, râlant parce qu’à cause de ce satané Covid la buvette est fermée. Une femme franchit les quelques fleurs qui encerclent le tronc d’un très jeune arbre et s’assied sur la terre dans son semblant d’ombre.
- ah ? Je peux le voir ?
- Tu le verra forcément. Tu es à quelle place ?
- J’ai de la chance, en bas, au troisième rang.
- de la chance ?
- Tu ne connais pas la clim de la Fabrica. Il faut être en bas
- Nous sommes en haut. Mais tu vas le voir. Il va arriver. Seulement tu promets..
- Quoi . Il est certainement très bien et il a du goût s’il s’intéresse à toi. Je suis sure que…
- Mais Maman, il ne…
- Je crois que je le vois. Il t’a vue… oui, très bien.
Elle se redresse, regarde soigneusement un coin de terre à côté de la silhouette qui s’avance, se veut toute de discrétion bienveillante, et sans inquiétude surtout, sans inquiétude, mais… et Sophie sait que dans quelques minutes elle va assister à un superbe numéro de charme.
image ©Brigitte Célérier – Avignon
(on aurait aimé être là, pour voir les vêtements de ces deux-là) (repassés, peut-être) belle ambiance en tout les cas (merci à vous)
pour la mère au moins certainement (à mon avis elle est dans sa ville)