Dans un rêve, un parking souterrain. Un parking baigné d’une lumière orangée, sans doute des néons et la peinture des murs (jamais trop certain dans mes rêves). Au sol, sur le béton lissé, entre les piliers, des bandes blanches matérialisent les emplacements. Aucune autre signalétique. Aucune auto visible. Aucune de ces petites veilleuses à capteurs qui, par leur couleur rouge ou verte, signalent la place convoitée. Parking souterrain vide d’autos. Toutes les places sont libres. Peut-être existe-t-il d’autres étages au-dessus ou en dessous (aucune maîtrise des déplacements dans mes rêves, aucune maîtrise de rien d’ailleurs). Parking saturé par une musique dont les basses électroniques résonnent et rebondissent très fort entre les piliers, contre les murs. Où les hauts-parleurs ? D’habitude, plutôt une musique pour apaiser les automobilistes. Souvent aussi, dans les silos des centre-villes, une musique douce associée à des diffuseurs de senteurs florales, pas ici. Par contre eux, ils sont bien là, dans mon rêve de parking, à virevolter au milieu des piliers. Enlacés forts. Lui, je ne verrai jamais son visage, mais toujours le dos de sa chemise bien blanche serrée par ses mains à elle. Elle, je la reconnais trop bien. Sa robe courte et moulante en velours vert et sombre. Sa lourde chevelure, ses lunettes. Lui, penché sur son oreille, elle qui éclate de rire, leurs mouvements sont impeccables, fluides. M’approcher mais à chaque tentative, ils s’éloignent, ils glissent plus loin sans jamais interrompre leurs conversations. Comme s’ils ne me voyaient pas. Ils feignent ? À son tour à elle de lui répondre, ses lèvres au creux de son oreille, et ils continuent et ils continuent et ça roucoule et ça danse et elle glousse. Impossible de rien entendre avec cette musique qui les couvre. Bien incapable de dire si leurs pas en rythme. Une valse ? Une sorte de tango ? Tango électro (pas fortiche en musique et en danse, même dans mes rêves) ? Eux vraiment très forts à danser et à m’ignorer. Et que je chuchote presque à te mordiller l’oreille, et que je rigole de ta réponse. Cette facilité de leur danse ! Musique casse tête. Conversation dansée exaspérante. Forcer mon rêve pour fondre sur eux. Interrompre leur messe basse où ils m’immolent. Toujours, ils m’échappent avec leurs glissades roucoulades. Je force vers eux. Ça craque. Mon rêve se déchire. Réveil.
… le double recul – éloignement de celui qui voudrait entendre et recul de celui qui commente non pas le contenu de son rêve mais son acte de rêver lui-même, comme si, en fait, ce que se susurrait le couple avait peu d’importance – pour le coup, ce double recul a centré mon attention sur l’observateur-rêveur-narrateur, alors que dans d’autres #1, elle se centrait sur ce que l’on cherchait à entendre, ce que l’on n’entendait pas ; l’expérience est autre ! Merci.
Magnifique ce tango –
On entend presque la musique –
Bonne soirée, merci.
Et merci à vous pour vos lectures et vos retours si précieux par le recul qu’ils donnent sur le texte qu’on vient de terminer. Le dialogue, assez lisible, comme prétexte au flux bilieux du narrateur et au flot de la musique. Je l’avais senti à l’écriture mais pas réussi à le formuler.