J’écoute, les yeux fixés au plafond, ce que la nuit me livre de toi
Je t’écoute
A travers les volets, les lumières du chantier de fouilles archéologiques, les réverbères
Si j’avais su
Tu ne pouvais pas savoir
Il aura donc fallu cette nuit-là, il aura fallu partager l’intimité d’une nuit de juillet pour que les paroles si longtemps emmurées adviennent. Dans l’obscurité de cet appartement feutré et silencieux.
De temps en temps, des phares de voitures trouent la nuit du salon où nous dormons. Pas un bruit grâce au double-vitrage. L’obscurité respecte ta parole. L’accueille. L’accouche.
Si j’avais su
Tu ne pouvais pas savoir
On se connaissait à peine ; nous n’étions pas dans la même classe ; et puis au lycée tout s’est arrêté
Tu parles…ça ne faisait que commencer…
Si j’avais su
Tu ne pouvais pas savoir
Ca commence par des remarques lancées en passant au détour d’un couloir, au bas d’un escalier, sous le préau bousculé les jours de pluie
Gratuites et méchantes on les croit échappées, comme ça, un jour, ces paroles, même pas adressées mais jetées pour que celui qui les prononce existe dans le regard des autres pour se faire mousser
on trouve ça lâche et mesquin alors on hausse les épaules et on passe son chemin avec, dans son sillage, les rires
Et puis non en fait
et puis non ça continue : jour après jour les mots blessants les coups de coude les rires bêtes et grégaires les mots glissés dans le cartable
Si j’avais su
Tu ne pouvais pas savoir
A force ça t’évide me glisses-tu dans un soupir.
Je devine les larmes couler dans le noir, mouiller l’oreiller
Je te prends la main
Je t’écoute
J’écoute tes nuits sans sommeil. Les dimanches sans fin à ne rien pouvoir faire dans cette campagne grise et triste. Les nœuds dans le ventre en montant dans le car scolaire. A la cantine, tu manges ton angoisse.
Dans le miroir tu te vois à travers lui.
Ton nez ton visage ta bouche ton regard ton corps dans le miroir déformant de ses yeux.
Tu fuis le reflet des vitrines. Tu redoutes les détours de couloirs, les escaliers vides, les jours de pluie sous le préau, les sorties du collège.
Si j’avais su
Tu ne pouvais pas savoir
Tu dis que ça s’est arrêté au lycée…
C’était tapi dans l’ombre…
ça ne faisait que commencer…
pour se terminer dans les eaux noires de la Loire vingt ans plus tard…
la scansion « Si j’avais su » – « tu ne pouvais pas savoir », le je et le tu, donne de la puissance au texte
on est bien dans un dialogue intérieur
plaisir de la lecture (merci Emilie)
Merci Françoise d’être passée par là et de ton retour. Ca fait toujours tellement plaisir. Je m’y remets, avec les 40 jours. Trouver le temps d’écrire et de lire ce que le groupe écrit. Un défi…