Les troupes sont entrées dans la ville fin juin. Un bourdonnement sourd les avait précédées. (Je suis allée les voir. Non, je n’ai pas pu m’en empêcher, je ne voulais pas me cacher derrière les persiennes. Je me suis dressée sur la pointe des pieds.) Les chars, les motos, les camions sont arrivés par l’avenue. Les soldats étaient vêtus de noir, bottes luisantes (Il fallait que je vois avec mes yeux, avec mon cœur dégouté). Ils se sont installés sur les marches de la Cathédrale pour se photographier. Et le martèlement des bottes, le bruit des chars, continus. Ils allaient, sans une hésitation. Les enfants fuyaient dans les bras de leurs mères, jusqu’aux seuils de leurs portes. (Je suis restée là à les regarder défiler. Oui je sais, je voulais voir leurs os, leurs yeux, ce que disaient leurs lèvres immobiles. Je m’accrochais à mon sac. Je vivais, j’aimais jusqu’alors). Le ciel était bleu, sans nuage, et ils défilaient, rentraient dans la ville, s’installaient dans les villas, minaient le port, bombardaient les paquebots, changeaient le drapeau à la façade de l’hôtel de ville. (Je flottais, écœurée, je ne pouvais ni me résoudre à rentrer ni rester sur bas de la route). Les femmes brodaient le nom et l’adresse de leur enfant sur les vêtements. (Je ne bougeais pas. Je la sentais, oui, la menace sur la ville, les effluves de carburant et d’incendies).
(à poursuivre)…
oui il y a de la force dans ce bourdonnement qui initie ce récit, il ne faudrait pas le perdre…
Intéressant aussi l’usage des parenthèses
et on n’en a jamais fini… à poursuivre comme tu dis !
Le temps me manque pour passer plus de temps sur chaque proposition alors les textes sont comme des jalons. Un petit cailloux posé qui me montre le chemin. Il faudra ne pas le perdre…