C’était sous l’avocatier en fleurs dans le jardin…ils étaient deux…pas un brin de vent…ils étaient deux mais c’est comme s’ils n’étaient pas, comme si ce deux, ils ne parvenaient plus à le faire advenir…les feuilles se taisaient ce jour-là…pas un brin de vent… ils étaient deux mais ils étaient seuls… l’air bruissait pourtant…de moiteur, de lumière, de senteurs, de pépiements d’oiseaux, de miaulements de chats, d’éclats de voix, de pollen… l’air étouffait de paroles empêchées… le soleil du soir et sa lumière réconfortante accordait encore quelques rayons au salon de jardin en tek lavé par les ondées de juin… dans ce bruissement pourtant, le silence poissait … sur la table une bouteille de vin à moitié vide et deux verres, seuls bouts de réalité tangibles pour ces deux-là dans ce jardin qui palpitait, vibrait à leurs côtés, indifférent à ce qui se jouait là sous l’avocatier…elle essayait pourtant…cela se voyait, à sa façon de lancer dans l’air des bribes de paroles…c’était hésitant, balbutiant, prudent…le regard tentait en même temps d’accrocher l’autre regard, de tracer un chemin pour ces paroles longuement méditées mais tellement fragiles une fois prononcées…en face, le visage se tendait, se crispait, se fermait, grimaçait…une feuille bientôt tomba au milieu d’eux comme pour ponctuer le silence revenu, gros de paroles étouffées …et puis soudain à défaut de paroles, quelques gouttes de pluie, échappées d’on ne sait où dans ce ciel du soir si bleu encore pourtant…ça ne dure pas, juste le temps d’arracher les regards à leurs ruminations silencieuses, dans un même mouvement vers le haut… les corps en accord face au grain…les verres se vident délient les corps les langues défont peu à peu le silence… les paroles osent se lèvent entrechoquées heurtées se coupent butent les regards…le jardin bruit en ce dimanche doux de juin … les vieilles pierres écoutent à l’affût des non-dits, des malentendus, des reproches étouffés longuement couvés…criés soudain…il se lève…pas un brin de vent pourtant…
C’est beau, c’est lourd de non-dits, on sent les feuilles se taire et les pierres écouter. Merci pour ce texte plein de paroles mais sans dialogue.
Merci d’être passé par là JLuc 🙂 ! Oui, les non-dits poissent tandis que dans le jardin la vie et le temps suit son cours…
On le voit ce chemin que le regard tente de tracer pour ces paroles tellement fragiles. C’est beau.
Merci beaucoup Bernard pour ton retour. Le corps parle lui aussi dans ce texte…
Ce texte est très tendre, très touchant, merci beaucoup.
Ces non dits, ces regards, ce désir, et cet arbre…
Bien à vous.
Merci Clarence pour ta lecture. La tendresse le désir c’est la nature qui les porte…en attendant la levée des non-dits.