Il a installé la première arrivée en terrasse, c’est une habituée, elle habite le quartier. A présent, la deuxième est là, une copine sûrement, qui la rejoint à sa table. La première parle, connait la carte. L’autre a à peine le temps de la regarder, s’ingénie à y jeter un œil tout en tendant une oreille qui se rétracte devant une cascade de mots enthousiastes. Il s’affaire entre les tables. Il aime observer les couples se former aux terrasses des cafés, le sien et les autres, se dire des mots qu’il n’entend pas. Il en voit souvent qui parlent beaucoup, s’écoutent un peu, dans le brouhaha. Plus rares sont les couples qui se répondent, de corps et de mots, et ajoutent un peu de silence nécessaire pour accueillir ce qu’ils ne peuvent pas se dire mais savent en secret de l’autre. Il n’a toujours pas pris la commande. Elle fume, concentrée, les gestes alertes, des cigarettes courtes. Quand elle ne parle pas, elle se tend d’un bloc vers l’autre mais n’entend rien, happe l’air d’un peu plus haut tout au plus. La tension de son corps vers l’avant et les cigarettes la tiennent, autant que ce verre en bout de table qu’elle déplace de peur de le voir tomber.