J’étais là dans la cave pour un pot de confiture sur l’étagère la main tendue prête à attraper un pot à la fraise DEVANT fraises du jardin bichonnées par le grand-père et tout d’un coup clac la lumière a été éteinte depuis le couloir en haut DEVANT tout noir dans la cave pleine d’araignées guettant depuis leurs toiles DEVANT enfermée pour un pot de confiture DEVANT c’est pas malin DEVANT la main tâtonne sur la table sous l’étagère tout mou les gants de jardinage du grand-père à côté d’un truc froid long comme des sécateurs sursaut DEVANT quelque chose tombe avec fracas avec un bruit de tôle avec un bruit creux comme celui d’un arrosoir renversé DEVANT la main saisit le bout de la table pour s’élancer dans le noir sans appui DEVANT pour avancer en glissant le pied précautionneusement DEVANT déjà il butte le bois résonne DEVANT un petit pas encore en faisant traîner la chaussure sur le sol bruit sourd contre la malle DEVANT dans laquelle la grand-mère a déposé sa robe de mariée toute mitée DEVANT la photo de leur mariage sur la cheminée dans leur chambre en haut de l’escalier au fond du couloir le grand-père souriant dans son costume de gendarme et la grand-mère souriante des fleurs dans les cheveux dans sa robe blanche DEVANT encore un glissement du pied DEVANT l’air noir partout sans support pour avancer en fendant l’air de la main DEVANT léger frottement sur le sol en ciment encore un pas un tout petit d’un pied léger qui bouscule quelque chose les mains tâtonnant à nouveau l’air vide DEVANT puis le genou cognant la chaise que le grand-père a descendue à la cave pour réparer le dossier avec ses outils bien rangés DEVANT contre le mur suspendus le marteau la pince la scie un autre marteau la spatule la pompe la clé de 8 la clé de 16 la clé de 24 toutes les clés DEVANT juste contre les étagères de bocaux vides de bocaux pleins de confiture de tomates de haricots verts de haricots coco encore de haricots verts DEVANT des bocaux de pâtés de rillettes de confits DEVANT une araignée noire DEVANT la main tendue DEVANT encore un pas de plus araignée du soir espoir araignée du matin chagrin au fond de la cave sous l’escalier le charbon et les patates étalées à même le sol celles ramassées à l’automne DEVANT encore glissement frottement comme DEVANT à pas de velours noirs dans le DEVANT noir encore DEVANT noir butée un peu plus haut que la cheville DEVANT la marche en bois de l’escalier sans balustrade DEVANT une dizaine de marches peut-être douze DEVANT main tendue dans le vide noir DEVANT posés deux pieds sur la même marche DEVANT la main se hisse dans le vide alors que la marche craque DEVANT le pied hisse le corps droit sur la marche DEVANT la main ça y est ça résiste DEVANT ça y est la porte du couloir DEVANT dressée DEVANT le nez à tâtons la main cherche l’interrupteur blanc qui tourne avec un léger crissement dans le vide DEVANT plusieurs fois avant DEVANT de s’allumer DEVANT l’ampoule nue transparente DEVANT la main empoigne la poignée de la porte et la tire pour l’ouvrir DEVANT le noir du couloir aux carreaux alternés rouge vin rouge noir DEVANT la main DEVANT cherchant sur le crépi rugueux l’interrupteur DEVANT le voilà entre le pouce et l’index DEVANT un tour grinçant clic dans le vide DEVANT dans l’autre sens DEVANT clac l’ampoule transparente aveuglante DEVANT le crépi blanc DEVANT le long couloir étroit ils dorment déjà le grand-père et la grand-mère et toujours en bas de l’escalier sur l’étagère dans la cave le pot de confiture à la fraise pour le déjeuner DEVANT demain.
