rêvé l’autre nuit d’un garçon brun, il dit : je cherche un “…”.
- Moi : c’est quoi un “…” ?
- Lui : c’est un endroit pour dormir.
- Moi : malheureusement je n’en connais pas.
la vitre arrière du camion Mercédes aménagé était un vitrail qui miroitait à la lueur du réverbère voisin. De l’autre côté de la cloison en bois peint, on parlait à mi-voix, on versait du thé. J’avais glissé dans le sommeil avec la volupté de ne pas savoir où demain je m’éveillerais.
ceux qui dorment dans la rue meurent de dormir dans la rue, c’est dehors qu’ils sont enfermés. Le type enfoui dans le sac de couchage bleu qui habite sur le carton dans le renfoncement – il met son linge à sécher sur le coffrage des compteurs électriques. Il lui arrive de rester couché jusqu’à deux heures de l’après-midi, les yeux grands ouverts, sans bouger. La nuit, il recouvre complètement sa tête avec le sac de couchage. Mais ça ne veut pas dire qu’il dort. Pas forcément.
c’est la couleur du satin, « fraise écrasée » a dit ma grand-mère, qui filtre les rayons du soleil matinal aux trois fenêtres du salon, baignant la pièce d’une lumière rouge que mes paupières filtrent à leur tour. Matelas plus moëlleux qu’à la maison, draps plus doux, oreiller plus joufflu, dessus-de-lit en velours vert, « vert-bouteille » a dit ma grand-mère. Vert bouteille à la mer de fraise écrasée dans les quelques secondes à réaliser. Où je suis.
draps de lit en coton fleuri en molleton uni draps de lin achetés en solde à l’occasion du Blanc chauffés par la bouillotte dans son étui pelucheux draps humides et sentant le moisi au premier étage d’un presbytère de campagne draps impersonnels d’une chambre d’hôtel draps bien repassés d’une chambre d’amis draps brodés mais rugueux à jours mais de nuit endroits dont ma peau ne connait que l’envers l’envers du décor autour de mon corps.
au-dessus de la moustiquaire il y avait le toit en tôle ondulé et sur le toit la pluie cognait martèlement d’une violence inouïe au beau milieu de la nuit j’écoutais dans le noir avec mes yeux grands ouverts.
quand j’ai des invités, je leur donne ma chambre, et moi je dors dans le salon, ainsi j’ai l’impression d’être chez quelqu’un d’autre. Le salon est grand pour une chambre, deux fenêtres sans rideaux, l’été ça réveille tôt surtout si c’est dimanche, quand les pompiers viennent jouer au foot dans le stade. Ils garent leur camion juste sous mes fenêtres. C’est un réveil abrupt que je ne souhaite à personne.
mais quand je dors vraiment chez les autres, j’arrive vite à faire de la chambre d’amis – où chambre-salon, ou chambre d’hôtel – ma chambre à moi. Quelques trucs infaillibles : une robe accrochée au lampadaire, ma veste à un clou du mur, le bâton d’encens dans une patate, mon parfum. Le lit comme radeau chargé de mes livres, papiers, lap-top etc…. parfait, mais voilà : l’insomnie. Est-ce de ne pas être chez moi, que je ne dors pas ? Ça m’inquiète. D’être devenue si casanière.
chambre d’enfant à la porte matelassée chambre d’un amant à l’hôtel Azur dans la palpitation de l’enseigne lumineuse bleue chambre de solitaire dans le silence en si mineur du couvre-feu chambre d’amis chambre-salons chambre à plusieurs chambre du Camion chambre de Dan à mon réveil après ce bad trip à Amsterdam quand les couleurs s’étaient mises à chanter la Cantate des Couleurs
23/06/21 – 07.41 : beaucoup de monde dans mon rêve de cette nuit il y était question de ce travail-ci. Je reste allongée sans bouger, sans ouvrir les yeux, essayant de retenir les images du rêve, si je me lève je le sais, rien que de prendre l’ordi et tout sera envolé… mais j’ai beau m’appliquer, je suis comme une passoire, par les trous le rêve s’enfuit… il y avait il y avait… il n’y a plus rien, tout est parti. Je peux maintenant ouvrir les yeux, prendre l’ordi. C’était au sujet de ce travail-ci. Quel travail ? Impossible de me rappeler. Je vais me faire un thé.
échantillons de formes et de fonds… bonne idée!
J’aime la graphie de la tout première évocation « … » Comme un visage stylisé ^^
c’est un vrai rêve que j’ai fait. j’ai traduit par « … » ce blanc qu’il y avait dans le rêve. bien que ce soit en réalité intraduisible… qu’est-ce-que j’aime ces échanges de commentaires, c’est nouveau pour moi.
Ces fragments très imagés construisent autant de paysages vraiment palpables à la lecture, ça me plaît.
Merci Laure, d’avoir fait le voyage ensemble dans les paysages.